Oscar Corvalán V.

Le présent article vise à relever le défi que représentent l’éducation des adultes et l’importance de l’emploi et de la formation dans les petites et moyennes entreprises (PME) chiliennes à partir d’une expérience réalisée dans un créneau bien déterminé dans une région du pays. Certes, depuis les années 90, le Chili a effectué des investissements considérables dans le domaine de l’éducation. Mais il s’agit aussi à présent d’offrir aux travailleurs adultes d’aujourd’hui les opportunités de formation dont ils ont été floués durant leur scolarité sachant que le gouvernement militaire des années 1973–1989 a fortement négligé le secteur éducatif. Les PME et les micro-entreprises, qui occupent moins de cinq travailleurs et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50.000 dollars américains par an, constituent la source majeure d’emploi dans les pays en voie de développement. Bien que ces entreprises soient très peu productives, leur main-d’œuvre n’a que des possibilités limitées d’éducation et de formation. En plus d’examiner le défi que représente l’éducation des adultes dans le pays, le présent article rendra compte d’une expérie nce de formation de microentreprises et petites entreprises dans l’Araucania, région qui affiche le taux le plus élevé de population indigène et la plus pauvre du Chili en dépit de la richesse de ses ressources naturelles et culturelles. Il s’agit d’entreprises liées aux activités caractéristiques du tourisme, secteur en développement face au recul de l’emploi agricole. La méthode appliquée met l’accent sur les dimensions de la formation et de la transmission des connaissances pertinentes. Oscar Corvalán est directeur de l’ITUR (Instituto Eurochileno de Turismo, Institut eurochilien de tourisme), Universidad de la Frontera, Pucón, Chili.

Éducation des adultes et formation à l’intention des petites et moyennes entreprises du secteur touristique dans une région du Chili

1. Bref aperçu de l’éducation des adultes au Chili

L’éducation des jeunes et des adultes a pour mission complexe de répondre aux besoins d’une population hétérogène et par conséquent de mobiliser des approches pédagogiques qui prennent en compte cette diversité. La demande potentielle est immense. Selon le recensement de 1992, 4 527 148 personnes de quinze ans et plus ont huit années ou moins de scolarité et 1 995 578 ont entre 9 et 11 années d’études sanctionnées par un diplôme. C’est-à-dire que 70% de la population de 15 ans et plus n’ont pas achevé le cycle d’enseignement primaire ou moyen.

Or, la demande effective en éducation des adultes (EDA) est minime puisque, en 1998, on ne comptait que 155 930 élèves, dont la majeure partie avait moins de 25 ans. Les sources disponibles indiquent que 77% des inscriptions dans ce secteur concernent des jeunes entre 15 et 24 ans à la recherche d’outils susceptibles de faciliter leur insertion sociale et professionnelle. 64 500 personnes de 14 à 17 ans, dont 72% issus de la couche la plus pauvre de la société chilienne, abandonnent chaque année le système scolaire formel.

Actuellement, au Chili, l’éducation des adultes propose diverses possibilités de commencer et/ou de compléter sa formation scolaire. Elles représentent une nouvelle chance pour les jeunes et les adultes qui n’ont pu aller au bout de leur éducation formelle pour diverses raisons. L’éducation des adultes leur fournit la possibilité d’acquérir et de perfectionner les connaissances et aptitudes qui leur permettront de satisfaire mieux aux exigences du monde d’aujourd’hui dans leur vie professionnelle et quotidienne. Toutes les personnes de plus de quinze ans y ont accès.

Les établissements qui dispensent l’éducation des adultes appartiennent généralement aux municipalités et leur enseignement est gratuit. Quelque 1200 établissements dans le pays dispensent ce genre d’éducation. Quatre-vingts d’entre eux, les centres d’éducation intégrée pour les adultes (CEIA), proposent des cours réservés aux jeunes et aux adultes par roulement: le matin, l’après-midi et le soir. Le reste se compose d’écoles et de lycées traditionnels qui offrent des cours du soir aux jeunes et aux adultes. En plus de l’offre traditionnelle de l’éducation des adultes, ils ont développé récemment des programmes spéciaux, plus flexibles.

Au Chili, l’enseignement de base s’étend sur huit ans. Il est suivi de l’enseignement moyen qui dure quatre ans; au bout de deux ans, il se divise en une branche scientifique-humaniste et une branche technique-professionnelle. Les jeunes et les adultes peuvent soit achever leurs études de base et/ou moyennes, soit accéder aux Programmes spéciaux d’enseignement de base et moyen à l’intention des jeunes et des adultes.

Dans la foulée de la réforme éducative mise en œuvre durant les années 90, l’éducation des adultes a initié récemment un processus de réforme du programme d›enseignement. Il vise à élaborer un programme d’enseignement qui procurera une solide formation de base aux adultes et favorisera l’acquisition de connaissances spécifiques et de compétences qui leur permettront de répondre aux exigences d’un contexte de vie de plus en plus complexe et mondialisé.

En 2002, le gouvernement chilien a initié le Programme d’éducation et de formation permanente «Chile Aprende Más» (Le Chili apprend plus) qui vise à offrir des opportunités de mise à niveau et d’optimisation des compétences professionnelles des travailleurs aux revenus les plus faibles et aux jeunes. 1

Le programme «Chile Aprende Más» a pour objectif d’améliorer le niveau d’éducation, de formation et d’employabilité des Chiliens. Comme on l’a déjà mentionné, près de 70% des plus de 15 ans, soit 40% de la population économiquement active, ont décroché pendant leurs études de base ou moyennes.

Enseignement de base et
moyen
scientifique-
humaniste

Enseignement de base et moyen axé sur la formation professionnelle

Programmes spé- ciaux de remise à niveau scolaire de base et moyen pour les jeunes et les adultes.

L’enseignement de base pour les jeunes et les adultes dure trois ans et comprend trois niveaux:

● Premier niveau – 1ree
année de base
● Second niveau – 5ee
années de base
● Troisième niveau –e et 8e années de base à 4 et 6 7

Dans l’enseignement moyen pour les jeunes et les adultes, il existe deux cursus, l’un en quatre ans, l’autre en deux ans.

L’éducation fondamentale des adultes (EFA) et l’éducation technique élémentaire des adultes (ETEA) permettent de compléter ses études jusqu’à la 2e année de l’enseignement moyen et de suivre parallèlement des cours de formation professionnelle. Le cursus comprend trois domaines d’apprentissage: filière traditionnelle ou de formation générale, filière technique ou de formation professionnelle (cours de mécanique, menuiserie, couture, entre autres) et filière d’activités complémentaires ou d’épanouissement personnel (ateliers d’artisanat, théâtre, gymnastique, aérobic, folklore et autres). L’éducation moyenne des Adultes dans la filière technico-professionnelle permet de compléter les deux cycles d’éducation moyenne des adultes et d’obtenir en même temps un diplôme technico-professionnel de niveau moyen (par exemple en secrétariat ou en comptabilité).

Le Programme spécial de remise à niveau scolaire primaire et moyen est destiné aux jeunes et aux adultes qui travaillent et désirent achever leurs études de base ou moyennes. C’est un système flexible, aux horaires peu contraignants et ses contenus sont bien adaptés à leurs besoins éducatifs. Le Programme de mise à niveau des compétences professionnelles (PNCL), mis en oeuvre conjointement par le ministère de l’éducation, le ministère du travail et le Fond de solidarité et d’investissement social (FOSIS) offre la possibilité à des sans-emploi entre 18 et 40 ans d’achever leurs études de base et moyennes.

De même, le projet vise à contribuer à l’amélioration de la formation de techniciens de niveaux moyen et supérieur dans le pays, qui est à la base de l’amélioration des ressources humaines et du développement productif. Il s’agit de mettre sur pied un système d’éducation et de formation permanente au niveau national, qui répondra aux besoins sociaux, culturels et économiques du pays dans le cadre de la mondialisation.

Pour l’année 2002, on s’est assigné les objectifs suivants:

  • remise à niveau scolaire (enseignement de base ou moyen) d’au moins 8 000 personnes;

  • projets pilotes dans les régions V, VIII et métropolitaines: formation professionnelle et remise à niveau scolaire;

  • projet pilote d’éducation à distance pour développer une nouvelle méthodologie pour la remise à niveau scolaire en recourant aux technologies de l’information. 1 000 personnes participent à ce projet;

  • quatre projets pilotes de formation technique avec la participation de lycées d’enseignement technique et professionnel, de centres de formation technique, d’instituts professionnels, d’universités et du secteur productif, couvrant 3 240 élèves et en relation directe avec le développement de la production régionale (régions III, VIII, IX et X);

  • expérience pilote de certification des compétences professionnelles pour l’employabilité (900 personnes) et dans les secteurs du tourisme, du gaz et de l’électricité;

  • projet pilote s’adressant à 200 organismes techniques de formation pour améliorer les offres de formation basées sur des compétences professionnelles;

  • projet d’un système d’information à l’intention de l’opinion publique sur le marché de l’emploi et les offres de formation et de perfectionnement et la mise en place du portail du programme sur le Web;

  • actions axées sur les petites et moyennes entreprises pour les encourager à profiter de l’exonération fiscale aussi bien dans le domaine de la formation professionnelle que dans celui de la remise à niveau scolaire de leurs salariés.

Les groupes cibles qui bénéficient de ces actions sont: a) les travailleurs à faibles revenus ou les personnes à la recherche d’un emploi qui doivent parfaire leur alphabétisation, élever leur niveau scolaire et leurs aptitudes professionnelles; b) les jeunes qui doivent accéder au marché du travail avec une formation technique adéquate.

2. Caractérisation des PME chiliennes 

Les principaux indicateurs utilisés au Chili pour définir une petite et une moyenne entreprise sont: i) le nombre de travailleurs, ii) le montant du capital investi, iii) le C.A. mensuel ou annuel; ainsi que des indicateurs relatifs au degré d’intégration dans le reste de l’économie, tels que: a) accès au crédit formel ou bancaire, b) accès aux technologies de la grande entreprise et c) accès aux marchés extérieurs à la localité et extérieurs au pays.

En fonction des indicateurs utilisés pour définir les PME, on a construit diverses typologies; celles qui prévalent sont celles relatives au montant du chiffre d’affaires, étant donné le contrôle strict exercé au Chili par le service des impôts internes. La Corporación de Fomento de la Produccion, CORFO, [Agence de développement de la production] a sa propre définition: les microentreprises sont des entreprises dont le C.A. annuel est inférieur à 50 000 USD; les petites entreprises sont des entreprises dont le C.A. Annuel est inférieur à 250 000 USD et les entreprises de taille moyenne celles qui affichent un C.A. annuel d’un million de dollars maximum.

Tableau 1. Répartition de l’emploi (en milliers de salariés) au
Chili en fonction de la taille de l’entreprise

  Nbre de salariés en % % accumulé
Microentreprise (1-4) 2024 38,8 38,8
Petite Entreprise (5-49) 1836 35,2 74,1
Entreprise moyenne (50-199) 653 12,5 85,6
Grande entreprise (200 ou plus) 505 9,7 96,3
Sans informations 194 3,7 100
Total 5212 100,0  

Source: CASEN 96

Les microentreprises et les petites entreprises offrent 74% du total de l’emploi au Chili. D’où l’importance de se préoccuper du niveau d’éducation et de qualification de leurs salariés. Les deux catégories emploient près de 4 millions de travailleurs dans tout le pays alors que la catégorie des grandes entreprise n’emploie qu’un peu plus d’un demi-million de travailleurs.

Les microentreprises sont fortement représentées dans toutes les branches d’activité du pays mais la moitié d’entre elles se concentrent sur l’activité commerciale. Des travailleurs indépendants travaillent pour leur propre compte ou bien s’associent pour vendre les articles d’entreprises de gros. Ensuite on trouve les microentreprises et petites entreprises du secteur agricole, puis celles du transport et des services personnels; le groupe comprenant les restaurants et assimilés vient immédiatement derrière celui des microentreprises et petites entreprises industrielles.

Tableau 2: Nombre d’entreprises par secteur économique et taille Chili1997 

SECTEUR

MICRO

PETITE

MOYENNE

PME

GRANDE

TOTAL

Production agricole

54 174

8 150

522

8 672

121

62 967

Services agricoles et chasse

1 444

430

49

479

18

1 941

Sylviculture

2 380

847

118

965

41

3 386

Pêche

1 223

338

89

427

74

1 724

Mines, pétrole et carrières

966

396

80

476

97

1 539

Industrie manufacturière

26 605

9 650

1 927

11 577

1 211

39 393

Électricité, gaz, eau

530

88

28

116

72

718

Construction

15 407

5 509

1 109

6 618

587

22 612

Commerce

179 320

28 125

4 337

32 462

1 765

213 547

Restaurants et assimilés

22 355

3 184

296

3 480

62

25 897

Transports

33 727

7 202

754

7 956

234

41 917

Services financiers

7 329

2 615

341

2 956

166

10 451

S. techniques et professionnels

21 954

5 913

741

6 654

230

28 838

S. étatiques sociaux et institutionnels

4 830

858

120

978

49

5 857

S. de divertissement et de détente

3 640

568

83

651

26

4 317

S. personnels et domestiques

33 407

3 457

169

3 626

41

37 074

Autres activités

18 347

1 343

92

1 435

15

19 797

Sans informations

4 793

132

15

147

5

4 945

TOTAL

432 431

78 805

10 870

89 675

4 814

526 920

Source: CORFO

Le tableau 3 présente la distribution régionale des entreprises en fonction de leur taille. Dans le pays, il existait en 1997 un total de 432 431 microentreprises et 78 805 petites entreprises. Au total, dans la IXe 723 microentreprises et 3 545 petites entreprises, ce qui représente approximativement cinq pour cent du total du pays. région (La Araucanía), on comptait 24

Tableau n°3. Nombre d’entreprises par taille et région. Chili. 1997

RÉGION

MICRO

PETITE

MOYENNE

PME

GRANDE

TOTAL

I de Tarapacá

14 776

1 834

213

2 047

67

16 890

II de Antofagasta

12 650

2 291

273

2 564

103

15 317

III de Atacama

7 619

1 142

108

1 250

33

8 902

IV de Coquimbo

17 647

2 373

236

2 609

70

20 326

V de Valparaíso

43 528

7 343

793

8 136

245

51 909

VI de O’Higgins

23 864

3 582

346

3 928

91

27 883

VII del Maule

35 250

3 996

376

4 372

116

39 738

VIII del Biobío

48 672

7 394

811

8 205

254

57 131

IX de La Araucanía

24 723

3 545

333

3 878

90

28 691

X de Los Lagos

31 447

5 095

450

5 545

197

37 189

XI de Aysén

3 256

439

47

486

15

3 757

XII de Magallanes

5 014

1 032

130

1 162

28

6 204

Région métropolitaine

150 001

38 464

6 734

45 198

3 500

198 699

Sans informations

13 984

275

20

295

5

14 284

TOTAL

432 431

78 805

10 870

89 765

4 814

526 920

Source: CORFO

L’importance des microentreprises et des petites entreprises dans le pays est telle qu’aucun programme d’éducation des adultes ou d’enseignement professionnel ne saurait les ignorer puisque la majorité des salariés a besoin des compétences nécessaires pour pouvoir se développer en leur sein. De même, toute stratégie de hausse de la compétitivité du pays, la modernisation des relations de travail ou l’accroissement de la productivité de la main-d’œuvre requièrent nécessairement que l’on se préoccupe d’augmenter les niveaux d’éducation des adultes et d’améliorer les compétences des travailleurs des petites entreprises.2 Dans la majorité des pays en développement, les grandes et les petites entreprises sont deux mondes qui n’ont aucun rapport, à part les intérêts qu’elles ont en commun. Le succès et le travail des chefs de petites entreprises permettent à un grand nombre de gens: i) d’offrir sur les marchés locaux des produits et des services, ii) d’acheter et d’échanger des produits et des services à un niveau d’entreprise, iii) de posséder une meilleure éducation et d’être en mesure de travailler de manière plus efficace, iv) de développer des entreprises qui fournissent localement des produits et des technologies tout en promouvant la coopération inter-entreprises, v) d’assumer des responsabilités et de posséder quelque chose en propre et vi) de stabiliser par leur travail l’environnement politique et social.3

Dans le but de promouvoir le développement des petites entreprises, la Corporación de Fomento de la Producción (CORFO) et le Servicio de Cooperación Técnica (SERCOTEC) ont développé une série de programmes, qui ont été étoffés pendant les années 90. La première se concentre sur les petites et moyennes entreprises en proposant des projets d’encouragement de la production, PROFOS, destinés à faciliter la capacité d’association et la formation des chefs de petites et moyennes entreprises. Le SERCOTEC de son côté se concentre sur les microentreprises en les aidant à accéder au crédit et aux nouveaux marchés ainsi qu’à se former et à développer des stratégies de commercialisation.

Conjointement aux programmes de formation des chefs de petites entreprises et de leurs salariés, on a appliqué au Chili diverses stratégies, telles que: a) l’assistance technique et le développement de «clusters» selon le type de produit ou de service offert, b) le crédit et l’accès aux réseaux de capital, c) la commercialisation et l’intégration verticales pour faciliter l’accès aux marchés: et, d) le développement de la capacité d’entreprise.

S’il est vrai que les données incomplètes dont on dispose ne permettent pas encore de calculer le coût-efficacité desdits programmes, il est d’ores et déjà possible de tirer quelques leçons utiles pour la formation des politiques et les politiques de formation. D’un côté, on sait que le problème de la capacité d’association des petites entreprises est crucial pour accéder à de nouveaux clients et aux possibilités de crédit. Étant donné le changement culturel de taille que cela représente connaissant l’individualisme des petits entrepreneurs, leur éducation et leur formation sont indispensables. D’un autre côté, on est bien conscient que l’éducation et la formation destinées aux salariés actuels ou futurs des petites entreprises ne peuvent être découplées des autres programmes d’appui dans le domaine de l’assistance technique, du crédit, de la commercialisation et du marketing. De plus, les expériences acquises dans le domaine des programmes d’appui aux PME montrent clairement qu’il convient d’appliquer une nouvelle conception de l’éducation des adultes mettant l’accent sur la formation, le perfectionnement et le développement de compétences professionnelles. Les compétences requises dans une petite entreprise sont beaucoup plus variées que celles requises dans une très grande entreprise ou une entreprise de taille moyenne.

Les expériences internationales dans le domaine de l’appui aux petites entreprises, que ce soit au travers de l’organisation des «districts industriels» au Danemark ou en Italie ou de celle des centres d’appui locaux aux U.S.A., indiquent de leur côté qu’un véritable changement culturel doit se produire dans le domaine de l’aptitude à l’association des microentrepreneurs, des petits entrepreneurs et de leurs salariés, lequel ne se produira pas sans programmes d’éducation des adultes et de formation spécifiant clairement les compétences que chacun doit développer.

La mondialisation et les changements structurels qui frappent les pays d’Amérique latine requièrent aussi de vastes programmes d’éducation et de formation permanentes sans lesquels la grande majorité des travailleurs resteront en marge du changement social et technologique et seront condamnés au sous-emploi et au chômage.

Les effets de l’intégration internationale sur les PME montrent clairement que leurs salariés ne peuvent rester en marge d’un vaste processus de mise à jour de leurs compétences et de développement de projets de vie professionnelle bien adaptés au peu d’opportunités que la mondialisation leur laisse. La petite entreprise qui traditionnellement produisait pour le marché local fournit aujourd’hui des articles fabriqués à des milliers de kilomètres de là, suite aux changements qui se sont produits dans les processus de commercialisation mondiaux et au nouveau rôle que les PME sont appelées à jouer dans ce contexte.

Les opportunités offertes et les problèmes posés par les processus de sous-traitance que leur offrent quelques grandes entreprises impliquent aussi un puissant processus de reconversion professionnelle et d’apprentissage de nouvelles compétences professionnelles.

3. Les petites entreprises dans les activités caractéristiques du tourisme.

Le cas des petites entreprises liées au secteur du tourisme présente des caractéristiques qui différencient les PME des autres. En effet, même s’il ne s’agit pas de coopérer avec une grande entreprise ou d’exporter des biens ayant la qualité requise pour satisfaire les marchés exigeants des pays industrialisés, la qualité des services qu’exige le touriste international contraint les petites entreprises opérant dans le secteur du tourisme à déployer des efforts considérables dans le domaine de l’éducation et de la formation permanente.

En effet, le système touristique est formé d’offres et de demandes de consommateurs de biens et de services touristiques dans un espace géographique déterminé et soumises à l’influence d’opérateurs du marché touristique qui facilitent l’interrelation entre l’offre et la demande, p. ex. les agences de voyage et de transport. Mais les activités caractéristiques du tourisme comprennent aussi les microentreprises et les petites entreprises d’hébergement et de restauration (restaurants), de loisirs et de divertissement, d’activités culturelles et sportives ainsi que le commerce et les artisanats. En outre, partout où l’industrie du tourisme est florissante, l’industrie de la construction connaît un grand essor car chaque service touristique requiert le support d’édifices, d’infrastructures et d’installations en tout genre. Les divers moyens de transport requièrent aussi des services de réparation et de maintenance. Au niveau local, les services d’hébergement constituent le cœur des services touristiques (hôtels, motels, camping, stations touristiques, pensions, chalets, appartements en propriété partagée et camping). À la base de l’ensemble des activités touristiques se trouvent les ressources naturelles, p. ex. la beauté de la nature, et culturelles, c’est-à-dire élaborées par l’être humain.4

Le secteur touristique offre aux petites entreprises des opportunités de revenus ou de développement à la condition qu’elles soient en mesure de proposer des services de qualité. Les nouvelles tendances du tourisme mondial permettent d’accéder à des clients de pays lointains intéressés par les ressources naturelles et culturelles locales converties en produits touristiques et en destinations touristiques compétitives. Le tourisme de masse a donné lieu au tourisme d’aventure, à l’éco-tourisme et au tourisme spécialisé.

L’évolution du tourisme spécialisé se caractérise par une grande variété de types de destinations et l’augmentation des voyages d’aventure qui requièrent la présence d’éléments tels que: un milieu environnemental différent, une nature intacte, des activités sportives, de l’animation et de nouvelles ressources naturelles et culturelles dans un environnement sûr. Dans ce contexte, la qualité totale est un outil de gestion à acquérir.5

Pour faire face à ces changements, quelques universités régionales comme l’université de La Frontera, située dans la région de la Araucanía, à 800 kilomètres au sud de la capitale du pays, ont initié ces dernières années des sessions de formation et de perfectionnement de tous niveaux sur des thèmes axés sur le développement de l’industrie touristique régionale.

Dans le cadre de ces programmes, un cours de gestion d’une entreprise touristique a été proposé à un éventail d’entreprises de la zone des lacs situés au pied des cordillères, ce qui a leur a permis de faire un important apprentissage sur les possibilités de développement social, économique et personnel liées au secteur touristique.

Les entreprises qui cherchent à attirer l’attention des touristes sont très diverses. C’est ainsi que lorsque les groupements de petites entreprises des communes de Púcon et Villarica ont été invités à participer à un programme de formation et de perfectionnement destiné aux entreprises touristiques, les représentants de secteurs très différents y ont assisté: production agricole sans fertilisants, réparation d’équipements et moyens de transport, immobilier, artisanat, commerce, hôtellerie, communication, construction, technologies de l’information, produits alimentaires, santé, services personnels, restaurants et transports.

Toutes ont en commun d’être contraintes de resituer leur activité du fait de la décadence qui frappe l’agriculture et l’élevage et en fonction des perspectives de croissance que présente le secteur du tourisme.

Tableau n°4: Éventail des microentreprises ayant participé à des cours de gestion d’entreprises touristiques (2002), Communes de Pucón et Villarrica, Chili

Tableau 4: Éventail des entreprises

Participants

Catégorie d’entreprise

Fréquence

Secteurs

Agence de tourisme

4

agricole

Agricole

3

 

Agro-camping

2

 

Location de motos, machines

2

Réparation

Location d’immeubles, courtage

3

Immobilier

Artisanat

5

Artisanat

Artisanat avec des plantes et des fleurs

2

 

Automobile, atelier mécanique

5

Réparation

Bazar

6

Commerce

Huttes

18

Hôtellerie

Pensions

2

 

Camping -

6

 

Hôtel

6

 

Institut de beauté

1

Serv. personnel

Centre d’appels téléphoniques

3

Communication

Magasin de meubles

4

Construction

Maçonnerie

1

 

Entrepreneur en bâtiment

3

 

Bois

3

 

Électricien

1

 

Structures métalliques

1

 

Fabr. de portes et fenêtres

2

 

Informatique

1

Technologie de l’inf.

Photographe

2

Communication

Dessin et publicité

2

 

Distr. de produits alimentaires

12

Alimentation

Supermarché

2

 

Usine de chocolat

1

 

Homéopathie

1

Santé

Imprimerie

1

Services

Teinturerie

1

 

Librairie

1

 

Restaurant

7

Restauration

Taxis et transports

5

Transports

Total

119

 

Source: Itur, 2002

Un programme théorique et pratique d’environ cent heures a été organisé. Les différentes unités thématiques analysaient: a) le tourisme en tant qu’activité économique, y compris le système touristique et le rôle des acteurs publics et privés du tourisme, b) la gestion de la petite entreprise et le cycle administratif, y compris l’élaboration de devis

et de programmes, c) la conception et le marketing de produits touristiques, y compris la détermination des prix et les stratégies de marketing, d) les finances appliquées à la microentreprise et e) la préparation et la présentation de projets de développement touristique local.

Les microentreprises n’ont pas seulement acquis des compétences liées aux divers aspects de la gestion de la petite entreprise, mais aussi ont pris conscience de la nécessité de s’associer et de s’organiser pour pouvoir développer de nouvelles offres de services touristiques et accéder à de nouveaux clients ou marchés.

En même temps, elles ont été informées des écueils que représentent pour le développement du tourisme local la croissance inorganique et désordonnée des villes ainsi que la pollution des eaux et l’usage irréfléchi des forêts comme source d’énergie calorifique.

La nécessité d’une coordination entre les organisations du secteur public et du secteur privé est apparue clairement dans les discussions et les travaux pratiques liés aux cours de formation, ce qui a entraîné un dialogue entre les autorités locales et régionales et les petits chefs d’entreprise regroupés dans chaque commune.

Conclusion

Depuis quelques années, l’éducation des adultes et la formation professionnelle ont cessé d’être un simple appendice du système scolaire pour se transformer en un domaine complexe de savoir et de pratiques éducatives requérant des études multidisciplinaires et des spécialistes de l’éducation et du monde du travail.

Il est nécessaire de définir les compétences requises pour fonctionner efficacement dans le monde complexe de la production et des services de la petite entreprise dans lequel le microentrepreneur doit gérer simultanément les études de marché, le design du produit, sa commercialisation, préparer les devis, rechercher un financement, l’interaction avec les organismes municipaux et étatiques tout en s’efforçant d’attirer l’attention du client et en veillant à la qualité de chaque opération.

La philosophie actuelle des microentrepreneurs et des petits entrepreneurs les conduit souvent à travailler à perte. Le manque de méthodes et de techniques pour calculer les coûts de leurs produits et services les mènent parfois à fixer le prix en fonction de la demande et à observer combien prennent les compétiteurs. Souvent, le micro-entrepreneur lui-même n’est pas couvert par les lois de prévoyance sociale du pays et ses employés et lui ont des problèmes d’accès aux services de santé tout comme aux services de crédit qui, en général, représentent des frais proportionnellement plus élevés pour un petit entrepreneur que pour une grande entreprise.

D’un autre côté, l’éducation et la formation requise nécessitent de fixer des parcours professionnels et d’éducation permanente pour les travailleurs des petites entreprises. Les processus de transformation en cours dans les pays latino-américains qui résultent des processus de mondialisation et d’intégration aux marchés internationaux requièrent que les gouvernements mettent en œuvre des systèmes nationaux de formation avec leurs propres mécanismes de certification et de contrôle de qualité des apprentissages.

S’il est vrai qu’on a bien avancé dans la définition des compétences techniques et technologiques, on observe un retard considérable dans la définition et la mesure des compétences communicationnelles, culturelles et de formation générale, qui constituent la base du développement des compétences techniques dans un contexte en mouvement permanent.

L’éducation et la formation permanente des travailleurs actuels et futurs des petites entreprises, qui forment pratiquement les trois quarts de la population active du pays, requièrent que les éducateurs travaillent main dans la main avec les spécialistes en sciences sociales qui suivent l’évolution de l’économie et les pratiques du monde du travail.

Notes

1 Le projet est doté de 150 millions de dollars, dont 75 millions de dollars sont financés par la Banque mondiale à titre de prêt. Le reste sera financé avec des ressources fiscales et privées.

2 Corvalan V., Oscar y Peluffo A., M.B. Formación profesional y sector informal urgbano en el Cono Sur, in Manfred Wallenborn (ed.): Sistemas de Formación Profesional Mannheim, ZGB, 1997

3 Brugger et al.: Forjadores de Porvenir: la pequeña empresa en el desarrollo, 1994, 26-7.

4 OMT-WTO: Introducción al Turismo, OMT, Madrid. 1998, pp 50.

5 Ibid. p. 387.

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