Forough Olinga/ Margaret Lubyayi

Cet article, qui présente un tour d’horizon de l’éducation des adultes en Ouganda, se penche particulièrement sur le développement rural. Il examine l’importance de l’éducation des adultes dans un développement durable et met en relief quelques-uns des défis qui se posent dans la tentative d’éduquer la population adulte en Ouganda. Il porte principalement sur l’agriculture, le pivot de l’économie ougandaise dont dépendent la majorité des autres secteurs. Forough Olinga et Margaret Nakato Lubyayi Forough Olinga sont membres du programme intégré de soutien au développement durable et à la sécurité de l’alimentation de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Margaret Lubyayi est présidente de la Katosi Women Fishing and Development Association, Ouganda. Cet article est paru dans Africa Insight, Vol. 32 n° 1, mars 2002, pp. 44 à 49. Il a également été présenté à la conférence sur l’éducation des adultes et le développement durable «Project Literacy Conference on Adult Education and Sustainable Development», novembre 2001, Johannesburg, l’Afrique du Sud.

Le rôle de l’éducation des adultes dans le développement durable

L’éducation crée l’environnement nécessaire au développement

L’Ouganda est une terre de plateaux et de collines, de marais et de lacs, blottie dans les bras de la Great Rift Valley, au cœur de la région des grands lacs d’Afrique orientale et centrale. Autrefois qualifié de «perle de l’Afrique», l’Ouganda tire son nom de l’ancien royaume du Bouganda qui occupait la majeure partie du centre de son actuel territoire. Après avoir acquis son indépendance de la Grande-Bretagne en 1962, ce pays connut une brève époque de prospérité avant d’entrer dans une période de conflits politiques, de violence générée par l’État, de déclin économique et de guerre civile qui dura deux décennies.

Le Mouvement national de résistance (NRM), dirigé par l’actuel président de l’Ouganda, Yoweri Kaguta Museveni, arriva au pouvoir le 26 janvier 1986 après cinq années de conflit. Le gouvernement du NRM a restauré la sécurité dans la plus grande partie du pays, rétabli la loi, encouragé la liberté d’expression, relancé l’économie et permis une large participation démocratique aux activités socioculturelles et économiques.

Depuis 1993, l’économie ougandaise a connu une croissance annuelle d’environ 7 %. Ce pays, 158e sur 174 pays classés dans l’index de développement humain établi en 1997 par le PNUD, reste néanmoins l’un des plus pauvres du monde. Le PNB par habitant est estimé à 330 USD. Quelque 44 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté de 34 USD par mois, et seule la moitié de la population dispose d’eau potable. La pauvreté est en grande partie un phénomène rural, mais près de 86 % de la population ougandaise réside justement dans les campagnes.

L’Ouganda a 21 millions d’habitants dont 51 % de femmes. L’agriculture qui emploie 80% de la population active est le pivot économique du pays. La majeure partie des produits agricoles provient de petites exploitations dont la grande majorité ne dépasse pas 2 hectares cultivés selon des méthodes traditionnelles et dans un cadre familial. Une large part de leurs revenus provient de cultures commerciales traditionnelles comme celles du café, du coton, du thé et du tabac. Cependant les revenus issus de la vente de produits de culture vivrière comme le mais et les haricots gagnent en importance.2

La plupart des habitants des campagnes tirent leurs denrées alimentaires et leurs revenus de ce qu’ils cultivent, du bétail qu’ils élèvent et des poissons qu’ils pêchent. Les femmes exécutent entre 70 et 80 % des tâches agricoles (creuser, planter, sarcler, récolter, stocker et conditionner) quoiqu’elles n’exercent que peu de contrôle sur les terres en elles-mêmes ou sur la vente des produits de culture commerciale (cf. tableau 1). Traditionnellement, la terre appartient aux hommes qui contrôlent également la vente des produits de culture commerciale et les ventes importantes de produits de culture vivrière, bien qu’au cours des dernières années cette tradition ait changé dans certaines contrées.

Dans de nombreuses régions de l’Afrique subsaharienne précoloniale, la terre était considérée comme sacrée, et souvent comme un élément féminin. Dans certaines régions de l’Ouganda, les paysans et les paysannes avaient des droits plus ou moins égaux sur les terres. Les femmes prenaient des décisions au même titre que les hommes concernant les activités agricoles à mettre en œuvre et la manière d’employer les recettes issues de celles-ci. La situation changea quand le pays passa au système monétaire, tout d’abord avec la venue du colonialisme. Les premières victimes furent les femmes puisque les récompenses sous forme de terres étaient principalement attribuées à des hommes instruits. Pour les femmes, l’accès à la propriété foncière devint largement soumise aux droits résultant de la parenté ou du mariage. L’émergence de l’économie monétaire contraignit beaucoup d’hommes à rivaliser directement avec les femmes pour accéder à la propriété foncière et à contrôler le travail productif de ces dernières. La perte du contrôle des terres sonna bien sûr le glas du droit des femmes à l’indépendance économique. Elles se mirent donc à dépendre des mêmes hommes qui les avaient privées de leurs droits. 

Éducation et inégalité des sexes en Ouganda

On ne saurait suffisamment souligner l'importance de l'éducation des adultes pour le développement. C'est l'un des pilliers du développement durable, ce qui est dû au fait que l'éducation devrait être un processus continu tout au long de la vie. L'éducation des adultes gagne actuellement en importance, particulièrement en raison de la sensibilisation aux questions relatives à la parité entre les sexes. Différentes auteurs mettent en relief l'importance de l'éducation des femmes pour réaliser un développement durable.3 Cependant, les statistiques sur l'alphabétisation en Ouganda montrent que les femmes ont du retard par rapport aux hommes: seuls 57% d'entre elles, contre 74% des hommes, savent lire et écrire. Le pourcentage considérable des analphabètes dépasse toutefois les 50% dans certaines régions, les femmes étant majoritairement representées. 4 Dans une  évaluation participative de la pauvreté réalisée en 1999 dans les zones rurales, les agriculteurs démunis considéraient le manque d'éducation et de compétence comme la deuxième cause principale de leur pauvreté (après le manque d'accès aux marchés).

Dans la plupart des familles ougandaises toutefois, les garçons sont chéris. Une femme sans fils ne vaut rien aux yeux de sa famille qui la juge incapable de produire un héritier pour perpétuer le nom et hériter des biens. Les premières écoles à avoir été créées pour les femmes en Ouganda étaient destinées à former les futures épouses de chefs en leur enseignant principalement les bonnes manières et l’économie domestique. Manifestement, ce type d’éducation ne s’adressait qu’à un nombre très restreint de femmes, les autres continuant à peiner dans les champs. Même plus tard, quand les écoles s’ouvrirent à un plus grand nombre de femmes, on les découragea de choisir des matières autres que les sciences sociales, dans lesquelles les femmes sont censées exceller.

Des efforts limités ont été entrepris pour offrir un mode d’alphabétisation fonctionnelle aux hommes et aux femmes qui cultivent la terre, soutenant ainsi l’économie qui dépend de l’agriculture. La Banque mondiale a affirmé que l’éducation pouvait contribuer à atténuer la pauvreté et à faire progresser le développement économique et social.5 La connaissance du calcul, de la lecture et de l’écriture est précieuse pour les ouvriers, même pour ceux dont l’activité se situe en dehors du marché moderne du travail, comme dans le cas des agriculteurs. S’ils disposent de ce savoir élémentaire, les agriculteurs peuvent par exemple répartir correctement les intrants et employer des produits issus du progrès technique comme des pesticides et des médicaments, accroissant ainsi la productivité.6 Mal employés, beaucoup d’engrais peuvent toutefois être néfastes à l’environnement et à leurs utilisateurs. Malheureusement, bien que les femmes fournissent une contribution essentielle à l’agriculture, ce sont elles qui sont le plus touchées par l’analphabétisme.

Indicateur ou paramètre

Pourcentage total

 

Femmes

Hommes

Population

51%

49%

Population active agricole

 

 

Production de denrées ­alimentaires

80%

20%

• Plantation

60%

40%

• Sarclage

70%

30%

• Récoltes

60%

40%

• Conditionnement/préparation

90%

10%

Accession à la propriété foncière et possession de terres et de moyens de production connexes

8%

92%

Tableau 1: Contribution des femmes au développement agricole en Ouganda
Source: ministère de la Femme, du Travail et de l’Aide sociale, Kampala, Ouganda, 2000
 

Parmi tout un ensemble d’avantages, il est en outre à remarquer que de l’éducation des femmes résulte une réduction de la fécondité et une amélioration de la santé chez les enfants.7 On s’est aperçu que les enfants de mères instruites vivaient plus sainement et avaient une meilleure espérance de vie du fait que ces dernières faisaient plus probablement appel à des soins médicaux professionnels que les femmes n’ayant bénéficié d’aucune éducation. Nous affirmons donc qu’il convient de faire la promotion de l’éducation à tous les niveaux si le développement doit être durable. Étant donné la dépendance du pays vis-à-vis de l’agriculture et la position stratégique des femmes dans ce secteur, il convient de promouvoir énergiquement l’alphabétisation fonctionnelle des femmes, en particulier dans le domaine d’activité agricole.

Le processus d’éradication de la pauvreté en Ouganda depuis 1986

Depuis l’arrivée au pouvoir du NRM (Mouvement national de résistance) en 1986, différents processus ont été mis en œuvre pour relancer l’économie et éradiquer la pauvreté. Durant la deuxième moitié des années 90, le gouvernement ougandais a lancé toute une série d’importantes initiatives constitutionnelles, législatives et politiques incluant des principes, idéaux et éléments spécifiques puisés dans différentes conventions, conférences et traités internationaux de l’ONU, à savoir:

  • la Constitution ougandaise (1995)

  • le plan d’action pour l’éradication de la pauvreté (1997/2000)

  • le plan de modernisation de l’agriculture (2000)

  • la loi sur l’administration locale (1997)

  • le programme d’éducation primaire universelle (1997)

  • la politique nationale en matière de parité entre les sexes (1997)

  • Vision 2025 – le cadre d’action stratégique pour le développement national(1998)

  • la loi agraire (1998)

  • le plan national politique et stratégique en matière de santé (1998)

Nous nous pencherons sur quelques-unes de ces stratégies essentielles mises en place en Ouganda pour tenter de viabiliser le développement.

La Constitution ougandaise de 1995

La Constitution ougandaise, promulguée en 1995, fut accueillie favorablement par la majorité des Ougandais en raison de sa conception des droits et des questions de genre. L’égalité des droits pour les hommes et les femmes en Ouganda y est clairement ancrée. Elle a également préparé le terrain pour la création d’un système de gouvernement décentralisé, plus proche des gens en matière de services. Du fait du pourcentage élevé d’analphabétisme, un grand nombre d’Ougandais ne sont cependant toujours pas en mesure de lire ou même de comprendre la Constitution de leur pays.

La Constitution ougandaise de 1995 souligne les principes de l’égalité des sexes. Dans l’agriculture, tout comme dans d’autres secteurs de notre économie, cette question est cruciale étant donné que les hommes et les femmes jouent des rôles différents. Les tâches complémentaires qu’ils remplissent changent au fil du temps et offrent des possibilités nouvelles tant aux agricultrices qu’aux agriculteurs de générer, d’adopter et de transférer des technologies. En conséquence, la dynamique des sexes est un élément fondamental de la planification et des interventions politiques.

La loi est un outil essentiel pour améliorer l’activité agricole. Certaines lois en vigueur sont toutefois archaïques et discriminent les femmes qui, dans les campagnes, sont aujourd’hui encore sous l’emprise de lois comme, par exemple, celles sur le mariage, l’héritage ou le divorce. Ces lois ne protègent souvent pas les droits de la femme au sein et hors du foyer, et il est urgent d’intervenir pour entreprendre des réformes. Cette mauvaise législation a des retombées négatives sur tous les secteurs de l’économie, y compris sur l’agriculture.

Le plan d’action pour l’éradication de la pauvreté (2000)

En concertation avec différents dépositaires d’enjeux, le gouvernement ougandais a proposé en 2000 un plan d’action pour l’éradication de la pauvreté (PEAP). Le PEAP est l’équivalent ougandais du cadre de stratégie d’éradication de la pauvreté (PRSP) exigé des pays en développement par la Banque mondiale. Le gouvernement a donné la priorité absolue à l’éradication de la pauvreté, le PEAP pouvant ainsi être considéré comme la politique dominante auxquelles les autres (politique en matière d’égalité des hommes et des femmes, politique foncière, etc.) sont censées se conformer. Le PEAP reconnaît que la propriété foncière est un outil d’éradication de la pauvreté et de développement national. La stratégie fait également état de l’importance de la propriété foncière en tant qu’un des droits humains fondamentaux ancrés dans la Constitution ougandaise. Néanmoins, le gouvernement ougandais s’est récemment contredit en rejetant une clause qui devait y être incluse sur la copropriété foncière des épouses et qui avait été proposée par différentes activistes. Les adversaires de cette clause ont mis en avant que la copropriété rendrait la vente des terres plus difficile.8 Les femmes privées du droit d’accession à la propriété foncière ne disposent pas des garanties nécessaires pour obtenir des prêts bancaires, ce qui réduit strictement leur possibilités d’entreprendre des activités productives, d’accroître leurs revenus et de subvenir aux besoins alimentaires de leur famille.

Le plan de modernisation de l’agriculture (2000)

Le plan de modernisation de l’agriculture (PMA) joue un rôle prépondérant dans la vaste stratégie gouvernementale d’éradication de la pauvreté du PEAP. La mission du PMA consiste à «éradiquer la pauvreté en transformant l’agriculture d’autoconsommation en une agriculture commerciale».9 Le PMA soutient que l’amélioration de l’aide aux fermiers pauvres pratiquant l’agriculture d’autoconsommation permettra de réorienter la production vers le marché du fait que plus de produits seront commercialisés, ce qui permettra aux agriculteurs d’accroître leurs revenus. Les domaines prioritaires identifiés par les fermiers pauvres en Ouganda et sur lesquels le PMA s’axera sont les suivants:

  1. accès à des prêts et à des services financiers;

  2. lutte contre les nuisibles et les maladies du bétail;

  3. amélioration de l’accès au marché;

  4. amélioration de l’accès à des intrants d’un prix abordable;

  5. accès à des terres arables – fertilité des sols, utilisation maximale des terres;

  6. services de formation atteignant les gens et proposant des conseils, des renseignements et des méthodes, un marketing et des activités alternatives de génération de revenus plus productifs;

  7. accès amélioré aux équipements de stockage et de conditionnement.

Le PMA fait remarquer que l’éducation ne fait pas partie de la liste de ses priorités et attribue cette omission à l’introduction de l’éducation primaire universelle. Un examen critique de cette liste souligne le besoin et l’inévitabilité d’éduquer les adultes selon des méthodes particulières, comme l’illustre déjà la mise en place des Services nationaux de conseils en agriculture (NAADS).

Les NAADS ont principalement été créés pour couvrir le domaine numéro six mentionné ci-dessus. Actuellement leur secrétariat coordonne la formation et les opérations de sensibilisation dans des districts pilotes, et la question de l’analphabétisme commence déjà à y être soulevée par les fonctionnaires locaux qui observent que bon nombre de formations seront inappropriées pour beaucoup d’agriculteurs qui ne savent ni lire ni écrire. Dans un atelier organisé à Tororo sur l’intégration des sexes dans le programme des NAADS, l’un des participants fit remarquer que les femmes seraient perdantes puisque de nombreuses villageoises ne sont même pas en mesure de compter de l’argent et qu’elles doivent se fier à l’honnêteté des acheteurs.10 Différents fonctionnaires des districts dans l’ensemble de l’Ouganda ont également indiqué le besoin d’enseigner des techniques de gestion aux agriculteurs pour réaliser l’objectif des NAADS qui consiste à cultiver un système dans lequel les agriculteurs «mènent leur exploitation comme une entreprise» et non comme un simple moyen de subsistance.

L’Ouganda étant principalement un pays agricole, la plupart des activités économiques des femmes se situent dans le secteur de l’agriculture, et le PMA vise à intégrer la question de la parité entre les sexes dans toutes les activités agricoles, représentant ainsi efficacement les hommes et les femmes et les mêlant à tous les niveaux du développement agricole en tant que partenaires égaux. L’intégration des questions de genre est jugée primordiale car les femmes constituent la majorité des petits exploitants agricoles. De manière générale, on reconnaît également que les femmes et les hommes ont des rôles et responsabilités différents qui exigent des interventions et des motivations spécifiques. Les femmes en Ouganda espèrent fiévreusement que les bonnes intentions de ce plan ne seront pas jetées par-dessus bord au moment de sa mise en place.

Décentralisation

Le processus de décentralisation, entamé au début des années 90, vise à améliorer les prestations administratives et la transparence, et à renforcer la responsabilité du gouvernement par rapport aux gens. Des structures décentralisées ont été élaborées pour le rendre plus réceptif à leurs besoins. Elles ont déjà modifié radicalement les fonctions des ministères du gouvernement central. Néanmoins, le manque de capacités au sein des administrations locales sape l’efficacité de ces structures. Certains postes comme, par exemple, celui de chef de sous-comté impliquent différentes fonctions qui exigent une formation supplémentaire dépassant le cadre des qualifications requises par le gouvernement. L’aménagement de cours d’alphabétisation spécialisés (fonctionnels) pourrait également constituer une solution à ce grave dilemme en assurant que les fonctionnaires élus par le peuple conservent leurs fonctions tout en déléguant certaines tâches de manière rationnelle et efficace. Le financement est la principale entrave à cette entreprise car si les fonctionnaires ne sont pas réélus, ceux qui les remplacent doivent être formés après chaque élection.

Parité entre les hommes et les femmes, éducation des adultes et développement

Quoique l’éducation joue un rôle indéniable dans le développement, elle ne peut pas à elle seule produire les changements sociaux désirés en raison de l’effet néfaste de certaines questions comme celles des traditions sociales et de la culture sur l’évolution de la situation des femmes. Nous énumèrerons plus loin quelques-uns uns des domaines dans lesquels l’éducation des adultes peut avoir un impact significatif et contribuer par conséquent à un développement durable.

L’éducation des adultes devrait en premier lieu être axée sur la collectivité. Ses contenus devraient s’étendre à tous les domaines de la vie et tenter d’enseigner aux individus et à la communauté toutes les connaissances nécessaires pour prendre en main leur existence. La réussite de certains programmes dépend du niveau de formation du groupe cible.

La microfinance en offre un excellent exemple. En Ouganda, la plupart des clients de ce secteur sont des femmes majoritairement semi-analphabètes ou analphabètes. Ceci est dû au fait qu’elles disposent de moins de ressources et de biens de production que leurs homologues masculins.

Étude de cas

L’impact de l’alphabétisation des adultes sur le développement durable

La Katosi Women Fishing and Development Association est une association regroupant des femmes de Katosi qui se sont unies pour améliorer d’une manière générale leur niveau de vie socioéconomique. En initiant et en promouvant des activités génératrices de revenus grâce à des prêts, elles ont obtenu quelques succès, toutefois limités par le niveau élevé d’analphabétisme en leur sein.

L’association a fourni à beaucoup d’entre elles la première possibilité de manipuler de l’argent ou de diriger une entreprise. Un grand nombre des entreprises créées au début firent faillite et le pourcentage de remboursement non honorés était élevé, ce qui manqua de provoquer l’effondrement du fonds de crédit par roulement. Les membres ne tenaient pas de comptabilité et ne savaient même pas si elles faisaient des bénéfices ou travaillaient à perte. Remarquant cette situation, les femmes cherchèrent de l’aide et reçurent une formation en gestion d’entreprise et en comptabilité, et on leur apprit comment effectuer des études de faisabilité.

Un stage de deux jours fut organisé pour les femmes dans le but de les aider à mieux comprendre leurs entreprises et la manière de les gérer. Certains membres créèrent même de nouvelles entreprises après le succès général enregistré pour la plupart de celles dirigées par des femmes de l’association. Leurs progrès les a tellement remplies d’enthousiasme qu’elles ont demandé que d’autres formations soient organisées.


L’étude du cas de la Katosi Women Fishing and Development Association (voir à la page précédente) montre que l’alphabétisation fonctionnelle des adultes axée sur les activités quotidiennes de subsistance peut être intéressante et bénéfique, et qu’elle peut permettre à ceux qui la reçoivent de prendre confiance en eux, l’alphabétisation fonctionnelle des adultes se fondant d’ordinaire sur le fait que les apprenants disposent d’un savoir de base et ont simplement besoin d’acquérir des connaissances qui les aideront à opérer plus efficacement comme on l’a vu dans le cas de la Katosi Women Fishing and Development Association.

L’éducation des adultes devrait être comprise comme un processus d’apprentissage tout au long de la vie et non être limitée à certaines périodes. Le système devrait être souple et la place de l’éducation devrait être là où le besoin d’apprendre se fait sentir. Parfois, l’alphabétisation des adultes doit être dispensée en fonction du sexe, comme dans le cas cité ci-dessus, puisque les femmes se consacrent la plupart du temps à des activités agricoles, mais qu’elles ont néanmoins besoin de cours d’alphabétisation fonctionnelle.

En Ouganda, les femmes seront celles qui auront le plus besoin de l’éducation des adultes dans un avenir proche en raison des épreuves auxquelles les filles se trouvent confrontées dans le système formel d’éducation. En dépit de l’éducation primaire universelle (EPU) reposant sur un système public gratuit ouvert à tous les enfants, l’éducation des filles continue de souffrir. Le gouvernement ougandais a souligné le fait, ce qui est clairement formulé dans la Constitution, que tous les enfants devraient être traités de manière à disposer du même accès aux ressources. Cependant, quand une mère a besoin de quelqu’un pour s’occuper de ses enfants en bas âge à la maison, c’est souvent aux filles qu’elle fait appel en premier, ce qui les distrait de leurs études et les conduit parfois à abandonner leur scolarité.

D’autres raisons pourraient être avancées pour que nous nous concentrions sur le développement des femmes. En voici quelques-unes:

  • les femmes tendent à employer une grande part de leurs revenus (94 %) pour la subsistance de la famille, n’en conservant qu’une part moindre pour leurs besoins personnels;

 

  • l’alimentation des enfants est plus étroitement liée aux revenus ou à la production de denrées alimentaires des mères que des pères;

 

  • les femmes sont plus largement responsables que les hommes de l’ensemble des activités reproductives;

 

  • les femmes donnent souvent la primauté à des activités génératrices de revenus;

 

  • en ce qui concerne le travail, les études menées sur l’utilisation du temps montrent invariablement que les femmes travaillent plus longtemps que les hommes (ce qui est largement dû au phénomène de la «journée double» durant laquelle les femmes accomplissent d’abord des tâches productives, puis des tâches reproductives);

 

  • différentes études réalisées dans le monde entier ont montré que les femmes étaient plus susceptibles de rembourser des prêts.

En plus des raisons mentionnées ci-dessus, et malgré les efforts pour améliorer la situation des femmes dans le monde entier, de récentes statistiques confirment l’existence d’un nombre croissant de femmes chefs de famille. Ces foyers ont plus de chances d’être pauvres que ceux dont le chef de famille est un homme, ce qui est dû aux maigres ressources productives dont ils disposent comme, par exemple, la terre et aux nombreuses personnes à charge. L’Afrique subsaharienne a connu une croissance sensible des foyers de ce type. En particulier dans les zones rurales, les femmes sont de plus en plus responsables de la subsistance et de la charge des enfants. On estime que le pourcentage des foyers ruraux dirigés par des femmes est de 45 % au Kenya, de 35 % au Malawi, de 30 à 40 % en Zambie et de 15 % au Nigeria.

Politique

Les pressions sociales qui s’exercent dans un système patriarcal écartent les femmes de la politique et parfois même des activités lucratives. Les femmes qui obtempèrent en se conformant aux normes traditionnelles et culturelles sont récompensées, tandis que celles qui se libèrent du carcan sont punies de diverses manières. Certaines récompenses et certaines punitions sont évidentes, d’autres restent plus subtiles. Il n’est pas rare par exemple que les hommes abandonnent leurs épouses si elles se lancent dans la politique.

À un autre niveau, les médias font preuve de peu de tolérance à l’égard des erreurs commises par les politiciennes et les tournent vite en dérision. Ces mêmes médias prennent par contre rarement le temps de faire des reportages sur des questions auxquelles les femmes apportent une contribution politique significative et préfèrent se concentrer sur leur vie privée.

Le rôle des femmes dans la politique s’est récemment accru grâce aux femmes activistes qui ont commencé à organiser pour elles des formations au leadership à différents niveaux électoraux. Ceci pourrait être la cause de la légère augmentation du nombre de femmes au septième Parlement d’Ouganda.

Microfinance

On a souvent répété que la microfinance était nécessaire au développement des zones rurales et urbaines. Les plus gros clients des établissements de microfinance sont des femmes qui disposent rarement des compétences nécessaires en matière de gestion d’entreprise pour entreprendre des investissements considérables comme le font leurs homologues masculins qui pourraient rapidement finir par les devancer et par devenir les principaux clients de ces établissements.

Secteur formel du travail

Même dans le secteur formel, les femmes ont du retard et reçoivent des salaires inférieurs aux hommes pour des emplois similaires. Cette situation persiste bien que le gouvernement ougandais ait mis sur pied, sans grande conviction, une campagne pour mettre un 

Contourner les préjugés sexuels par la supériorité d’esprit?

Un exemple amusant, mais éloquent, de l’inégalité des sexes et d’une forme d’autonomie en Ouganda se rapporte au tabou qui interdit aux femmes de faire de la bicyclette. La raison de cette interdiction est liée à la croyance selon laquelle une femme assise à califourchon sur une selle se trouve d’une certaine manière «compromise» et n’est plus respectable. Plutôt que de s’efforcer exclusivement à changer ce point de vue, un groupe de petites exploitantes agricoles a conçu un tricycle doté d’un banc à la place de la selle traditionnelle. Les femmes profitent ainsi de la commodité et de l’efficacité d’une bicyclette – en l’occurrence d’un tricycle – tout en évitant de transgresser un tabou local.

En plus de voir en cela une solution innovante à un problème culturel, il conviendrait de remarquer que d’autres caractéristiques originales avaient été ajoutées au tricycle comme, par exemple, une ombrelle pour offrir de l’ombre aux femmes et à leurs enfants ainsi qu’un vaste espace de rangement pour les denrées alimentaires et les provisions.

terme à ce type de pratiques. Un grand nombre de femmes ont peur de perdre leur emploi en dénonçant de tels cas, ce qui rendrait leur vie encore plus pénible. Il s’impose d’élaborer des directives stratégiques pour établir un équilibre des sexes dans les domaines du recrutement, de la formation et de la promotion des employés, femmes et hommes.

Il convient de se consacrer aux femmes dans des domaines de formation et de renforcement des capacités pour les aider à mieux se vendre sur le marché du travail. Le défi à relever est toutefois bien plus important et les résultats positifs pouvant être apportés par la formation et le renforcement des capacités sont limités étant donné la réalité de ce que l’on qualifie de «plafond de verre»: souvent, les femmes obtiennent des promotions jusqu’à un certain niveau (qui tend à se limiter à celui des cadres inférieurs ou moyens), ce qui implique tacitement dans la majorité des entreprises qu’elles ont atteint le niveau limite de promotion pour les femmes. Le problème avec le phénomène du «plafond de verre» est qu’il est difficile de prouver qu’il existe puisque la majorité des employeurs soutiennent que les ­promotions sont attribuées au mérite.

Éducation des adultes et autonomisation

L’éducation est un outil extrêmement puissant de libération. Les gens instruits sont en mesure d’analyser des situations, de définir des stratégies, d’établir des plans d’action et de choisir les solutions les plus avantageuses concernant des questions d’ordre socioéconomique et même politique. Certaines personnes ont soutenu que l’élite dirigeante avait tout à perdre en éduquant les masses ignorantes qui seraient alors plus critiques vis-à-vis de régimes reposant sur la satisfaction personnelle et qu’elles risqueraient de renverser. Cet argument a été particulièrement bien illustré par les dernières élections à l’occasion desquelles les masses des zones rurales, en grande partie analphabètes, ont voté pour le président sortant. Les populations urbaines ont, elles, voté avec une majorité écrasante pour le leader de l’opposition.

Dans la plupart des pays d’Asie de l’Est, l’expérience a montré que la mise en place de politiques axées sur un développement plus équitable des ressources humaines était l’un des éléments essentiels à avoir stimulé les taux élevés de croissance économique.

En partant de telles hypothèses et des besoins existants, les gouvernements africains de la région seraient bien avisés par souci critique d’intégrer la question de la parité des sexes dans les systèmes de planification du développement rural et agricole. D’autres recherches devraient être entreprises sur les causes profondes de l’inégalité, et ces questions devraient ensuite être abordées de manière à assurer un développement durable. Les gouvernements africains devraient par la suite adopter et mettre en place des directives stratégiques pour établir un équilibre des sexes dans les domaines du recrutement, de la formation et de la promotion dans le secteur agricole.

On peut démontrer que dans tous les pays de la région, les données socioéconomiques relevées en fonction des sexes servent de ­données de base pour la planification de projets agricoles. À cet égard, il serait utile de créer un système de banques de données socioéconomiques répertoriées selon les sexes qui pourrait fournir des informations adéquates, pertinentes et précises pour aborder les questions relatives à la parité entre les sexes dans la planification du développement.

Il est crucial de mettre en lumière et d’aborder les déséquilibres entre les sexes qui peuvent affecter la productivité. En outre, les gouvernements de la région devraient renforcer les programmes ruraux de ­financement en formant leurs membres pour assurer une utilisation maximum des crédits. Des études montrent que les femmes emploient ces crédits, quand ils sont disponibles, aussi efficacement que les hommes. De plus, le pourcentage des remboursements est généralement plus élevé chez les femmes.
En même temps, il conviendrait de faire participer les communautés désavantagées à la planification, à la mise en place et à la surveillance des programmes visant à lutter contre la pauvreté dans laquelle elles vivent.

Conclusion

Quoique le défi soit gigantesque, certaines choses laissent supposer une bonne volonté politique chez les dirigeants africains. En Afrique, de plus en plus de leaders se tournent vers le développement durable, plaçant les communautés rurales au centre de cette préoccupation. Le véritable objectif du développement devrait consister à créer un environnement qui permettrait à tous les gens d’utiliser les ressources disponibles de manière productive et durable pour leur bien-être.

Il serait utopique de croire que l’éducation est le remède à tous les maux dont souffre l’Afrique en matière de développement, mais nous devons reconnaître qu’une éducation pertinente et axée sur les gens peut contribuer à les autonomiser et à les éclairer. L’éducation leur donne la possibilité de choisir, leur conférant par là un pouvoir – des gens instruits auront tendance à rejeter des politiques néfastes et à choisir en toute connaissance de cause des dirigeants et des modes de développement.

La plupart des familles ougandaises considèrent qu’une femme sans fils ne vaut rien puisqu’elle est incapable de produire un héritier pour perpétuer le nom.

Notes

1 PNUD, Human Development Index, Genève: PNUD, 1997

2 Uganda: Promise Performance and Future Challenges, Common Country assessment of the United Nations agencies working in Uganda, Kampala: PNUD, 2000.

3 M.E. Lockheed et A.M. Verspoor, Improving Primary Education in Developing Countries, Washington DC: Banque mondiale, 1992; A. Odaga et W. Heneveld, Girls and Schools in sub-Saharan Africa: From analysis to action, Washington DC: Banque mondiale, 1995; B. Herz, Letting girls learn: Promising approaches in primary and secondary education, Washington DC: Banque mondiale, 1995;

4 Adult literacy programs in Uganda, Washington DC: Banque mondiale, 2001.

5 E. Kane, Seeing for yourself: Research handbook for girls’ education in Africa, Washington DC: Banque mondiale, 1996.

6 K. Subbarao et L. Raney, Social gains from female education: a cross-national study, WashingtonDC: banque mondiale, 1993; Lockheed et Vespoor

7 Kane, 1996.

8 Uganda Land Alliance (Alliance ougandaise sur la réforme foncière), atelier sur le lancement du document de travail concernant la politique foncière nationale, Kampala, 26 octobre 2001.

9 Gouvernement de l’Ouganda, The Plan for Modernisation of Agriculture, (PMA), Kampala: Government Printer, 2000, p. vii.

10 CEEWA-U, Integration Gender into the NAADS Programme, Rapport de l’atelier sur la sensibilisation aux questions relatives à la parité entre les sexes, Tororo, juillet 2001.

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