John Oxenham

Cet article tente d’évaluer ce que l’expérience des deux ou trois décennies passées a indiqué en ce qui concerne la planification de programmes d’éducation et de formation de base des adultes destinés à lutter contre la pauvreté et dans lesquels l’alphabétisation et les notions de calcul jouent un rôle important, sinon central. Le but principal étant ici la réduction de la pauvreté, et non l’alphabétisation, cet article ne se penchera pas sur les résultats obtenus en lecture, en écriture et en calcul écrit. Dr John Oxenham a travaillé pendant de longues années pour la Banque mondiale. Il vit actuellement au Royaume-Uni et poursuit ses activités dans le domaine de l’éducation des adultes.

L’Éducation et la formation de base des adultes contre la pauvreté: quelles leçons en avons-nous tirées?

Avant d’examiner l’efficacité de la réduction de la pauvreté, nous présenterons brièvement les éléments sur lesquels cet article s’appuie et examinerons les études auxquelles nous avons eu accès. Ensuite, en prenant comme référence les objectifs de développement pour le millénaire en vue de réduire la pauvreté, nous étudierons la contribution de l’éducation et de la formation de base des adultes à chacun de ces objectifs. Nous nous tournerons après cela vers les questions de stratégie, les méthodes d’enseignement et les éducateurs. Enfin, cet article s’achèvera en indiquant pourquoi le monde a moins tiré d’enseignements de ?cette expérience qu’il n’aurait pu le faire.

Les éléments

Cet article se base sur trois sources principales, la première étant constituée par des ouvrages publiés. Les documents «gris» que les gouvernements et les organisations internationales, bilatérales et non gouvernementales se sentent capables de mettre à la disposition des chercheurs constituent la seconde source. Ces organisations disposent également de rapports et d’estimations qu’elles jugent trop sensibles pour être publiés, même si elles les listent dans des bibliothèques et des archives. Le flux de rapports et d’évaluations d’un ensemble de grands projets d’éducation et de formation de base des adultes financés par la Banque mondiale depuis 1977 dans quatre pays (deux en Afrique et deux en Asie) constitue la troisième source. Cet article ne peut prétendre à l’exhaustivité dans l’utilisation qu’il a fait de ces trois sources. Hormis le fait que nous n’avons probablement pas eu connaissance d’un certain nombre d’articles de journaux et autres publications pertinentes, nous n’avons certainement pas eu non plus accès à un grand nombre de parutions autres que celles rédigées en anglais. Néanmoins, Torres (2003) et la CONFINTEA V (2003) ont relativisé ces lacunes en faisant remarquer le manque constant d’études solides sur l’efficacité, les résultats et l’impact de l’éducation et de la formation de base des adultes.

Les documents dont nous disposons se bornent à décrire les intentions, les contributions et les processus, et omettent de prendre les résultats en compte. Quelques-uns mettent des succès en avant, mais s’abstiennent de les évaluer pleinement et objectivement. Certaines évaluations émises reposent sur de vagues approches qualitatives, ? mais ne font pas cas du facteur quantitatif. D’autres sont d’ordre quantitatif, mais manquent d’identifier les limites et d’analyser entièrement les quantités. D’autres encore préfèrent formuler de modestes résultats quantitatifs dans des termes qui ont tendance à les exagérer en décrivant par exemple une progression de deux points, soit par exemple le passage de six à huit points sur vingt comme correspondant à une amélioration de trente pour cent. Les rapports présentés par les organisations elles-mêmes sont légion, malgré leurs risques dont il n’est pas tenu compte. Par contre, les études comportant des informations de base et des observations longitudinales sont peu nombreuses et très récentes. Celles menées en 2002 par Burchfield en Bolivie et au Népal se distinguent sur ce point même si certaines interprétations peuvent paraître contestables. Dans l’ensemble, on n’en retire que peu de conclusions irréfutables. Cette tendance n’en est toutefois pas moins positive. Si ces études ne nous révèlent que des signes précurseurs, leur nombre croît constamment et elles sont prometteuses.

Promouvoir les objectifs de développement pour le millénaire à réaliser d’ici 2015

L’idée des objectifs de développement pour le millénaire à réaliser d’ici 2015 (ODM) consiste à réduire l’ensemble des conditions dont se compose la vaste notion de cercle vicieux de la pauvreté: maigres revenus, préjugés liés au sexe, mauvaise alimentation, mauvaise santé, faible aptitude au travail, mauvais niveau d’instruction, mauvaise utilisation des ressources, taux élevés de morbidité et de mortalité. L’éducation et la formation de base des adultes devraient avoir un impact sur toutes ces facettes de la pauvreté. Les objectifs de développement pour le millénaire nous offrent un cadre tout prêt, propice pour déterminer si l’éducation et la formation de base des adultes contribuent effectivement à leur réalisation. Le présent article examinera ces objectifs dans l’ordre dans lequel les Nations unies les ont adoptés et évaluera ce que nous révèlent les éléments disponibles.

L’éducation et la formation de base des adultes favorisent-elles l’éradication de l’extrême pauvreté et de la faim (ODM1)?

La réduction de l’extrême pauvreté et de la faim est le tout premier des huit objectifs de développement pour le millénaire. Les programmes d’éducation et de formation de base des adultes y contribuent-ils? Il est tout d’abord clairement démontré que l’écrasante majorité des personnes qui s’inscrivent à des programmes d’éducation et de formation des adultes sont issues des couches pauvres de la société. Un grand nombre des plus démunies ne fait peut-être pas partie de ce groupe qui inclut toutefois des personnes extrêmement pauvres et même les personnes les plus pauvres. Cela revient à dire que les programmes d’éducation et de formation de base des adultes visent exactement les gens qui doivent bénéficier de la réduction de la pauvreté

Le deuxième point concerne l’objectif numéro un du premier ODM qui consiste à réduire de moitié le pourcentage de gens dont les revenus sont inférieurs à 1 USD par jour, ce qui équivaut à accroître les revenus. Participer à des programmes d’éducation et de formation de base des adultes permet-il d’aller dans ce sens? Valerio (2003) a eu recours à une enquête nationale effectuée au Ghana sur les ménages pour examiner la question. Elle a conclu que ce n’était pas le cas, tout au moins dans ce pays d’Afrique. Cependant, les calculs de la Banque ?mondiale indiquent le contraire. Son personnel s’est penché sur le pourcentage de retour sur l’investissement dans l’éducation et la formation de base pour les adultes en Indonésie, au Ghana et au Bengladesh (Banque mondiale. 1986.16, 1999.11, 2001.49). L’étude indonésienne estimait que le pourcentage de retour sur l’investissement individuel se situait aux alentours de 25 pour cent; l’étude ghanéenne estimait que le pourcentage de retour sur l’investissement privé s’élevait à 43 pour cent pour les femmes et à 24 pour cent pour les hommes, avec un pourcentage de retour social de 18 pour cent pour les femmes et de 14 pour cent pour les hommes; enfin, l’étude bengali tablait sur un pourcentage de 37 pour cent concernant le retour sur l’investissement privé. Aussi incertaines que ces estimations puissent être, elles indiquent premièrement que les investissements sont productifs et deuxièmement que ce que les pauvres apprennent dans les programmes d’alphabétisation les aide effectivement à améliorer leurs revenus et à se sortir de leur misère.

D’autres études proviennent de huit pays. Seules celles menées par Burchfield (2002-A et B) en Bolivie et au Népal, celle de World Education (2001) au Népal et celle de Mia (2004) au Bengladesh comportaient des informations de base. Tablant sur des déclarations des apprenants bénéficiaires plutôt que sur des observations strictement mesurées, elles ont toutes tendance à être positives. Quatre exemples seront utiles pour illustrer cela. La direction de la SODEFITEX1 au Sénégal estimait que la productivité des cultivateurs de coton qui avaient suivi le cours d’alphabétisation de l’entreprise s’était accrue de six pour cent (Oxenham et coll. 2002. p. 24 et suivantes). Le programme d’autonomisation des femmes mis en place au Népal a rapidement recruté 130 000 part?icipantes et mis sur pied en un peu plus de deux ans des systèmes d’épargne, de crédit et d’investissement s’élevant à 1 600 000 USD (Ashe & Parrott. 2001). Après avoir rendu visite plusieurs fois pendant trois ans à des groupes d’alphabétisation au Bangladesh, Cawthera a été en mesure de conclure que ce programme avait eu un effet prolongé et bénéfique sur les moyens d’existence des participants, un impact durable sur les pratiques agricoles et la nutrition, et qu’il avait entraîné une augmentation soutenue de l’épargne et des investissements (Cawthera. 2003. 14-15). Dans leur évaluation concernant trois projets REFLECT menés au Bangladesh, au Salvador et en Ouganda, Archer et Cottingham (1996. p. 63 et suivantes) ont de la même manière fourni des exemples illustrant comment le processus d’éducation avait stimulé les participants dans ces trois pays, les incitant à améliorer l’usage qu’ils font de la terre, de l’eau, des récoltes et de l’argent.

Outre l’impact sur la productivité dans le sens ordinaire du terme, on observe les effets d’une certaine maîtrise du calcul écrit. Les participants ayant suivi les cours avec succès se déclarent désormais capables de manier l’argent, en particulier les billets, avec plus d’assurance. Et ce qui est plus important, ils ont le sentiment qu’on les trompera moins facilement lors de transactions monétaires du fait qu’ils sont à présent en mesure de les enregistrer. Ceci constitue un avantage clé pour ceux devenus microentrepreneurs par nécessité puisque cette aptitude les aide à gérer leurs affaires sur des bases plus solides.2 D’un autre côté, Friedrich et Jellema (2003) affirment que quand on les questionne sur la manière dont elles ont évité de se faire tromper, les personnes interrogées sont incapables de fournir des exemp?les. Les chercheurs supposent qu’elles se contentent peut-être de répéter ce que les organisateurs et les enseignants des programmes d’éducation et de formation de base des adultes leur ont promis.

Malgré ce doute, les éléments dont nous disposons indiquent que l’éducation et la formation de base des adultes peut effectivement contribuer à réduire la pauvreté – bien que l’on ne puisse affirmer qu’elle soit une condition suffisante, et encore moins une panacée

L’éducation et la formation de base des adultes contribuent-elles à assurer l’éducation primaire universelle (ODM 2)?

Dans sept pays au moins, des études ont été consacrées à cette question. Malgré quelques contradictions, la balance des probabilités penche nettement en faveur des effets stimulants de l’inscription à l’école, de la persévérance dans les études et de l’achèvement du programme. Il est en effet assez probable que les femmes ayant suivi des cours d’alphabétisation inscriront leurs enfants à l’école et les y laisseront, même si, comme Valerio l’a découvert au Ghana, la différence avec les autres femmes est faible.

On enregistre des effets plus notables dans les endroits où des mesures «d’alphabétisation familiale» en été entreprises pour permettre aux parents, et particulièrement aux mères, de s’intéresser plus à l’éducation des enfants en les soutenant. Des exemples en Turquie et en Afrique du Sud l’illustrent (voir Bekman, 1998; Desmond, 2004). Tant les enfants que leurs mères en profitent largement et durablement (voir p.ex. Brooks et coll. 1996, 1997, Basic Skills Agency. 1998).

Ces résultats pourraient nous permettre de faire une importa?nte déduction

Si l’alphabétisation parentale est très précieuse pour l’obtention de bons résultats scolaires, il nous faut mettre en place des activités efficaces d’alphabétisation des adultes pour obtenir une éducation efficace pour les pauvres… Il est possible qu’une alphabétisation efficace des adultes ait un rôle primordial à jouer pour rendre l’éducation en milieu ordinaire plus efficace et pour qu’elle soit encore plus destinée aux pauvres. (Cawthera, 2003).

L’éducation et la formation de base des adultes aident-elles à promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ODM 3)?

La plupart des programmes d’éducation et de formation de base des adultes ont tendance à recruter plus de femmes que d’hommes. Comme nous l’avons déjà fait remarquer, ces femmes sont généralement démunies. Leur participation à des cours d’alphabétisation les aide-t-elle à jouer un rôle plus important au sein de leurs familles et communautés pour améliorer la qualité de la vie? L’examen auquel Moulton a procédé (1997) indique que l’éducation et la formation de base des adultes ont tendance à donner aux femmes plus d’assurance, et des études menées dans dix pays fournissent des données qui confirment ces résultats. Les études, en coupe et longitudinales, effectuées par exemple au Népal et en Bolivie par Burchfield (1997, 2002) signalent que la participation à des programmes d’alphabétisation a effectivement tendance à favoriser plus rapidement que tout autre facteur la participation à des groupes communautaires. D’un autre côté, elle n’est pas le garant d’une telle participation puisque la moitié des apprenants, parfois même plus, n’intègre aucun groupe ? communautaire et ne prend aucune part particulière aux affaires locales.

Dans les autres pays, le ténor des études sur l’autonomisation des femmes est plus ou moins le même (ex. Nirantar. 1997, Karlekar. 2000): certaines femmes semblent notablement prendre de l’assurance, et même si ce n’est pas le cas de toutes, ce phénomène n’est pas non plus négligeable.

L’éducation et la formation de base des adultes favorisent-elles la baisse de la mortalité infantile, l’amélioration de la santé maternelle et la réduction du nombre d’affections comme le VIH/SIDA, la malaria et autres maladies (ODM 4, 5 et 6)?

Des études menées dans sept pays indiquent qu’un certaine nombre des diplômés des programmes changent leurs habitudes en ce qui concerne leur santé et leur survie. L’exemple le plus intéressant nous vient du Nicaragua, dix ans après la Croisade nationale d’alphabétisation qui s’y déroula en 1980. Cette étude faisait remarquer la chose suivante au sujet des pourcentages de mortalité et de malnutrition infantiles:

Par rapport aux enfants dont les mères étaient illettrées, le pourcentage de survie était plus élevé chez les enfants dont les mères faisaient partie de groupes d’éducation des adultes et encore plus chez ceux nés après la Croisade nationale d’alphabétisation. (Sandiford et coll., 1995. p. 15).

S’accordant avec cela, Valerio déduisit de l’enquête nationale menée auprès des ménages ghanéens que les femmes ayant participé à un programme d’alphabétisation fonctionnelle avaient plus de chance d’avoir recours aux services de santé maternelle que les femmes sans ? instruction qui ne s’y étaient pas inscrites.

D’un autre côté, le Ghana nous fournit également des éléments moins positifs que nous donne une autre étude menée sur la base d’observations qualitatives sur le terrain (Korboe. 1997). L’analyste a relevé ici peu de différences en matière de nutrition et d’hygiène entre les habitudes des gens qui avaient suivi des cours d’alphabétisation fonctionnelle et celles des personnes qui n’y avaient pas participé. Korboe avait même plutôt l’impression que d’une manière générale, le programme national d’alphabétisation fonctionnelle n’avait eu qu’un faible impact. Il note toutefois deux exceptions: premièrement, les hommes qui avaient suivi des cours d’alphabétisation fonctionnelle avaient l’air de mieux connaître les questions relatives à la taille des familles et à la contraception que ceux qui ne s’y étaient pas inscrits, et deuxièmement, les femmes qui avaient suivi des cours d’alphabétisation semblaient plus conscientes que les autres de la valeur nutritionnelle des légumes indigènes et paraissaient plus enclines à les utiliser.

Les éléments indiquent donc globalement une tendance positive en faveur des deux ODM relatifs à la «santé», sans toutefois être vraiment concluants.

Pour ce qui est du VIH/SIDA, le premier objectif du sixième ODM consiste à enrayer la propagation de la maladie et à commencer à la faire régresser d’ici 2015. À ce sujet, les découvertes de Burchfield au Népal sont très pertinentes. La participation au programme d’alphabétisation a permis aux gens d’obtenir de nombreuses informations sur la manière de prévenir la maladie: plus le taux de participation était élevé et plus les connaissances accumulées étaient importantes (Burchfield et coll?. 2002. p. 60, fig. 20). Malheureusement, aucune étude ne semble avoir examiné si ce savoir avait entraîné des changements de comportement bénéfiques. Il n’existe pas non plus d’informations concernant la diffusion de connaissances relatives à la malaria et à d’autres maladies mortelles majeures.

Promouvoir la participation sociale et politique

En dehors des objectifs de développement pour le millénaire, les tendances actuelles à décentraliser les gouvernements et les services publics, qui vont de paire avec la priorité donnée à la bonne gouvernance, à la transparence et à la démocratisation, exigent une plus forte participation d’une plus grande part de la population aux affaires sociales et politiques. Des observations effectuées dans sept pays indiquent que la participation à des programmes d’éducation et de formation de base des adultes est favorable à la participation aux affaires sociales, toutefois selon les degrés habituels divers: certains participants se sentiront plus incités que d’autres qui ne seront pas du tout motivé à s’impliquer dans ce domaine. En évaluant les résultats de l’alphabétisation dans quatre provinces du Burkina Faso, Grivel (1990, p. 64) a découvert qu’un grand nombre des nouveaux alphabétisés assumaient des charges au sein de presque toutes les instances de l’économie et du gouvernement de leurs villages. De la même manière, la société sénégalaise SODEFITEX a été agréablement surprise de s’apercevoir que les fermiers – hommes et femmes – qui avaient suivi son cours d’alphabétisation assumaient des charges au niveau de la gestion et des comptes des coopératives de producteurs, et qu’ils commençaient à prendre en main la commercialisation de leurs produits (Oxenham et coll. 2002. 27). En outre, un grand ?nombre d’entre eux s’étaient engagés à organiser eux-mêmes des cours d’alphabétisation.

Dans des conditions moins favorables, Archer et Cottingham (1996) abordent avec fermeté la question de l’influence des normes culturelles existantes sur les effets de l’éducation des adultes. Dans leur étude menée au Bangladesh, ils préviennent que le changement social est graduel. Fiedrich (2003. 176 et suivantes) se fait l’écho de cette mise en garde. Néanmoins, malgré cet ensemble de contraintes sociales, les groupes de femmes sont devenues plus actifs dans la mise en oeuvre de leurs propres programmes. Par contraste avec cela, les programmes REFLECT au Salvador et en Ouganda ont enregistré plusieurs exemples de participation communautaire et d’action collective.

Comings et coll. (1997. p. 17) ont découvert dans des groupes ne disposant pas de la même expérience dans le domaine de l’éducation de base des adultes, que par rapport aux femmes qui n’avaient suivi que les six premiers mois de cours, celles qui étaient allées jusqu’au bout des neufs mois

sont beaucoup plus susceptibles d’intégrer un groupe de mères, de devenir membres d’un comité, de vivre à proximité d’un béné vole des services de santé communautaire et de parler népalais, soit comme première langue, soit comme langue quotidienne.

Ceci suggère le renforcement réciproque des «effets d’interaction» entre des aspirations qui existaient au départ et l’expérience éducative. Des rapports similaires nous viennent du Programme d’autonomisation des femmes également mené au Népal (Ashe & Parrot. 2001). Au bout du compte, il apparaît que s’ils sont? organisés et mis en place de la manière qui convient, les programmes d’alphabétisation ont tendance à permettre aux pauvres et aux personnes sans instruction (en particulier aux femmes) de participer plus amplement et avec plus d’assurance aux affaires sociales et politiques. D’un autre côté, les attentes de changements devraient rester réalistes et évolutionnaires, et non être révolutionnaires.

Récapitulation des contributions possibles des ODM

Les éléments dont nous disposons indiquent qu’un programme d’éducation et de formation de base des adultes mis en place de manière appropriée peut contribuer à réduire la pauvreté, à réaliser l’éducation primaire universelle, à autonomiser les femmes, à améliorer la santé, à ralentir la propagation du VIH/SIDA et à accroître le niveau de participation sociale. Pour cette raison, il semblerait que les efforts à entreprendre pour améliorer la qualité et l’efficacité des programmes d’éducation et de formation de base des adultes soient garantis. D’un autre côté, il ne faut pas s’attendre à des changements d’une rapidité miraculeuse. Il convient plutôt de garder trois mises en garde présentes à l’esprit.

Premièrement, la chaîne de causalité entre les informations, les attitudes et le comportement relève de l’incertain. Savoir quelque chose ne signifie pas forcément adhérer à ses implications, et accepter ses implications ne stimule pas nécessairement les changements de comportement. Ceci dit, il est vrai que transmettre les informations requises est un premier pas pour aider les adultes à modifier leur comportement.

Deuxièmement, les éléments disponibles indiquent que seule une minorité des participants aux programmes d’éducation? et de formation de base des adultes changent d’attitude et de comportement durant leurs brèves années de participation. Le pourcentage de ces gens peut s’élever à 30 ou 40 pour cent et donc valoir la peine d’être atteint, ou seulement à 10 ou 20 pour cent et se révéler par conséquent décevant. Il semble toutefois rare que la moitié ou plus d’un groupe ou d’un échantillon de participants change d’attitude ou de comportement. Il apparaît également que les participants sont plus enclins à accepter des informations et des idées si celles-ci se situent complètement en dehors de leur sphère de savoir et de valeurs. Si les nouvelles connaissances contredisent d’une certaine manière ce qui est déjà acquis, il est probable qu’elles se heurteront à une résistance et ne seront acceptées que plus lentement.

Troisièmement, la majorité des choses apprises dans les programmes d’éducation et de formation de base des adultes ne servira à rien si les soutiens nécessaires à la mise en pratique et à l’entretien des compétences acquises font défaut. Ces soutiens peuvent être les suivants: plus grande approbation sociale, présence de politiques sociales et économiques, et des organes chargés de les mettre en place – en d’autres termes présence d’un environnement institutionnel –, et disponibilités d’équipements (routes, transports, matériel de communication, etc.) pour leur mise en place – en d’autres termes disponibilité d’une infrastructure.

En somme, il faut considérer en quelque sorte que les programmes d’éducation et de formation de base des adultes sont une levure qui peut graduellement aider un nombre croissant de gens à sortir de la pauvreté, à condition que toutes les conditions nécessaires soient réunies pour les soutenir. Inversement, bien entendu, les pr?ogrammes d’éducation et de formation de base des adultes peuvent contribuer à faire augmenter la productivité des investissements dans les institutions et les infrastructures.

Stratégie pour maximiser l’efficacité

Si l’éducation et la formation de base des adultes peuvent être utiles pour promouvoir les objectifs de développement pour le millénaire, quelle stratégie faudrait-il adopter pour maximiser leur efficacité? L’expression «éducation et formation de base des adultes» est ici à propos puisqu’elle évoque un ensemble qui combine l’aptitude à lire, à écrire et à calculer avec d’autres compétence relatives par exemple à la vie de famille, aux moyens d’existence, à la gestion de l’argent et à la gouvernance. Disposer d’un ensemble conduit à se demander si chacun de ses éléments jouit de la même importance ou si l’un ou plusieurs d’entre eux prennent le pas sur les autres. Une enquête récente indique pour la plupart des adultes très pauvres et sans instruction qu’il serait plus prudent d’adopter une stratégie que Rogers (1997) qualifie d’«alphabétisation en second».

«L’alphabétisation en second» exige d’identifier les principaux intérêts communs des groupes de gens, d’organiser la formation dans ce sens et d’identifier ensuite dans quelle mesure l’alphabétisation et les notions de calcul peuvent le mieux possible servir la formation et leurs intérêts. Oxenham et coll. (2002) ont employé la structure élaborée par Roger pour diviser un certain nombre de programmes de plusieurs pays en deux groupes principaux: ceux «guidés par l’alphabétisation» et ceux «guidés par les moyens d’existence». Dans les limites des informations disponibles et des grandes? différences des résultats, ils sont parvenus à trois conclusions.

Premièrement, les programmes «guidés par les moyens d’existence» semblaient avoir une meilleure chance de réussite que ceux «guidés par l’alphabétisation». Il est probable que les gens voudront plus s’alphabétiser si la formation concomitante à des compétences professionnelles démontre clairement que l’alphabétisation et les notions de calculs sont indispensables à leur pleine efficacité: un véritable besoin d’alphabétisation se fait sentir de lui-même. 

Deuxièmement, les organisations plus concernées par les moyens d’existence et d’autres aspects du développement semblaient plus aptes à élaborer et à fournir des combinaisons efficaces mêlant les moyens d’existence et l’alphabétisation que celles qui se consacraient principalement à l’éducation.

Troisièmement, les groupes qui ont déterminé des buts particuliers et ressentent le besoin de s’alphabétiser et d’apprendre des notions de calcul pour les réaliser ont tendance à acquérir avec plus de succès toutes les compétences nécessaires.

Ces trois conclusions indiquent que pour l’éducation et la formation de base des adultes, la stratégie d’«alphabétisation en second» devrait encourager l’adoption d’approches différenciées pour trois catégories d’apprenants potentiels:

  • les groupes qui existent déjà et ont déterminé leurs propres buts

  • les ?gens qui ne font pas officiellement partie d’un groupe, mais ont des intérêts clairement définis en commun

  • les participants qui se forment à des compétences nécessitant l’alphabétisation pour pouvoir être employées le mieux possible

Ces trois catégories représentent probablement une majorité des inscrits potentiels à des programmes d’éducation et de formation de base des adultes. Il serait toutefois peut-être judicieux de prévoir deux autres catégories. La première doit particulièrement retenir notre attention car elle inclut les plus démunis et les plus marginalisés qui se heurtent à des obstacles insurmontables dans les efforts qu’ils entreprennent pour améliorer leur vie et leurs moyens d’existence. Bien qu’ils posent peut-être le défi le plus difficile en ce qui concerne l’élaboration et l’organisation de cours appropriés et de soutien à long terme, ils sont la cible centrale des objectifs de développement pour le millénaire puisqu’il s’agit des gens dont les revenus se situent probablement en dessous de un dollar par jour.

On pourrait accorder une priorité moins importante à la deuxième catégorie. Elle comprend les participants potentiels à des groupes d’éducation et de formation de base des adultes qui ne sont affiliés à aucun groupe particulier et qui ne s’intéressent à aucune formation particulière, mais qui souhaiteraient malgré tout apprendre à lire, à écrire et à calculer plus efficacement dans un but qu’ils se sont fixé eux-mêmes.

En plus de se laisser guider par les intérêts des gens plutôt que par l’alphabétisation, cette stratégie devrait s’inscrire dans la? perspective de «l’éducation tout au long de la vie» pour la simple raison que ni les intérêts relatifs à la vie ou aux moyens d’existence, ni les compétences en alphabétisation et calcul ne peuvent se développer de manière adéquate, et encore moins entièrement, au fil d’un seul cours de courte durée. Se placer dans une perspective «d’éducation tout au long de la vie» aurait bien entendu un impact sur l’organisation, le personnel, la création de capacités et les finances. Aborder ces sujets dépasse toutefois le cadre de cet article.

Méthodes pédagogiques pour maximiser l’efficacité

Un certain nombre d’éducateurs ont élaboré et préconisé des approches et méthodes pédagogiques destinées à rendre l’éducation et la formation de base des adultes plus efficace quels que soient les objectifs particuliers des différents programmes. Toutes ces méthodes présentent une logique aussi attrayante que convaincante. Néanmoins, les éléments dont nous disposons ne permettent de tirer aucune conclusion sur leur efficacité relative ou sur leur adaptation pour des groupes d’apprenants particuliers. Ces méthodes paraissent toutes semblables en ce qui concerne la rétention des acquis, l’obtention de diplômes et les résultats.

À l’avenir, et plus particulièrement en ce qui concerne les compétences en lecture et en écriture, une meilleure connaissance des soutiens neurologiques de la mémoire, de l’apprentissage et d’autres processus cognitifs pourrait conduire à développer et à prouver le bien-fondé d’approches et de méthodes plus efficaces (voir p. ex. Royer et coll. 2004, Abadzi. 2003, Ardila. 2000).

Des éducateurs pour maximiser l’efficacité

Par opposition aux incertitudes concernant les méthodes, les éléments dont nous disposons semblent bien arrêtés en ce qui concerne les éducateurs ou les animateurs. Ils confirment qu’un éducateur en mesure d’inciter ses apprenants à passer suffisamment de temps sur des exercices destinés à leur permettre de maîtriser les compétences et connaissances de leur programme d’études est la clé de la réussite du groupe dont il est responsable. L’éducateur idéal devrait posséder les qualités suivantes: fiabilité, compétence dans son domaine, maîtrise des méthodes et compétences, bonnes relations avec ses apprenants et aptitude à maintenir l’intérêt et la motivation.

Néanmoins, il est nécessaire de faire une distinction entre un alphabétiseur ordinaire et un éducateur ordinaire dans d’autres domaines plus techniques tels que l’agriculture ou une autre profession. La plupart des personnes alphabétisées peuvent être formées de manière à ce qu’à leur tour elles alphabétisent d’autres gens avec efficacité. L’enseignement de compétences professionnelles ou autres requiert des éducateurs plus spécialisés. Jusqu’à présent, l’un des problèmes des programmes d’éducation et de formation de base des adultes résidait dans l’incapacité des alphabétiseurs à transmettre au-delà d’un niveau rudimentaire des connaissances «fonctionnelles», nécessaires dans la vie ou dans le domaine professionnel. D’un autre côté, les éducateurs dans ces domaines peuvent être formés de manière à devenir de bons alphabétiseurs.

L’idéal serait par conséquent d’avoir deux éducateurs par groupe d’apprenants, chacun d’eux couvrant des domaines appropriés au sein d’un programme coordonné. Assurer que les ensembles de connaissances concordent parfaitement et se complètent co?nstituerait un défi. La faisabilité d’un tel système varierait en fonction des lieux, les sites urbains étant plus favorisés que les communautés rurales plus inaccessibles, qui risqueraient d’être perdantes dans l’affaire. Ceci impliquerait une fois de plus que les organismes qui se con sacrent à la vie, aux moyens d’existence et à l’alphabétisation se montrent extrêmement flexibles et ingénieux.

Comme pour la formation, tout laisse à penser que les stages répétés de courte durée constituent un meilleur soutien pour les éducateurs que la formation initiale suivie d’une supervision irrégulière.

Pour ce qui est de la question du bénévolat ou de la rémunération des éducateurs dans l’éducation et la formation de base des adultes, de nombreux programmes ont recours à des alphabétiseurs bénévoles et ont obtenu des réussites à court terme. Néanmoins presque tous les programmes ont dû tout au moins recourir à des récompenses en nature pour retenir des éducateurs expérimentés. En outre, la tendance actuelle qui favorise la formation continue et l’éducation tout au long de la vie exige vraiment que les éducateurs, tant les alphabétiseurs que les éducateurs techniques, soient payés, mais pas nécessairement comme des employés à plein temps.

Pourquoi n’avons-nous pas tiré plus d’enseignements?

Trente ans ont passé depuis que l’UNESCO et le PNUD ont publié leur évaluation conjointe du Programme expérimental d’alphabétisation mondiale avec son approche axée sur le travail, sélective et intensive qui visait à donner aux gens les moyens d’améliorer leurs revenus et leur niveau de vie. Durant cette période, de nombreux gouvernements et organisations ont continué à mettre en pl?ace des programmes d’éducation et de formation de base des adultes, certains pays, comme l’Inde, les finançant avec leurs propres ressources, d’autres tels que le Bangladesh, le Ghana, l’Indonésie ou le Sénégal combinant les leurs avec des ressources extérieures, et d’autres encore s’appuyant presque entièrement sur des ressources extérieures, réunies grâce à des emprunts ou à des dons. Durant cette période, et même avant, les organisations externes qui ont aidé à financer des programmes d’éducation et de formation de base des adultes ont systématiquement inclus des fonds destinés à leur surveillance, à leur évaluation et même à des recherches. Les organisations suivantes et le gouvernement indien en sont d’excellents exemples: ADB, CIDA, DANIDA, FINNIDA, IIZ/DVV, ILO, NORAD, SDC, Sida, UKODA/DfID, UNESCO, UNICEF, USAID, Banque mondiale. En un mot, le temps, les possibilités et les finances ont oeuvré en faveur d’une amélioration de la surveillance, de l’évaluation et de la compréhension de ce qui rend l’éducation et la formation de base des adultes vraiment efficaces. Cependant, comme l’ont fait remarquer de nombreux experts, la connaissance des bonnes, pour ne pas dire des meilleures pratiques d’éducation et de formation de base des adultes reste peu concluante. Quelles sont les raisons de cette situation? Cet article ne peut proposer que des hypothèses émises sur la base de déductions indirectes extraites de rapports et d’évaluations – aucune des organisations mentionnées ci-dessus ne disposant de preuves tangibles permettant d’expliquer qu’elles ont été frustrées dans leurs intentions officielles.

Le manque d’argent n’est pas à l’origine du manque d’éléments provenant de la surveillance et des évaluations. Toutefois, il explique très probablement la rareté des recherches et expérience?s indépendantes du fait que les fonds sont généralement liés à l’évaluation de projets et ne sont pas disponibles pour des recherches et expériences universitaires. L’explication des échecs de la surveillance et des évaluations relève probablement de deux domaines: les attitudes et les capacités. Nous disons «probablement» car nous n’en avons la preuve qu’indirectement: aucune étude ne s’est directement penchée sur la question.

États d’esprit à l’égard de la surveillance et des évaluations

Le fait que les unités expressément mises sur pied pour surveiller et évaluer l’éducation et la formation de base des adultes opèrent en deçà de leurs possibilités semble résulter de quatre états d’esprit. Certains peuvent s’exprimer de manière plus prononcée que d’autres, ce qui varie selon les pays et mêmes selon les organisations. Nous ne disposons d’aucun élément qui contribuerait à établir un équilibre entre eux. Dans la pratique, si cette hypothèse est bien fondée, les gens désireux d’améliorer la surveillance et les évaluations devront trouver les moyens de les neutraliser.

Le premier état d’esprit peut être qualifié de «manque d’inclination». Les éducateurs des groupes sont d’habitude chargés de recueillir les informations de base. Ces gens ne sont généralement pas employés à plein temps mais à temps partiel ou sont souvent même bénévoles et ont de nombreux autres engagements probablement déjà pénibles. Ils ne sont certainement pas heureux d’être chargés de la corvée des statistiques qui vient s’ajouter à la préparation des cours et aux rangements éventuellement nécessaires une fois ces derniers terminés, du fait particulièrement qu’ils s’achèvent la plupart du temps tard dans la soirée ou juste av?ant la préparation du dîner. D’un autre côté, la majorité des éducateurs a foi dans la valeur intrinsèque des efforts qu’elle entreprend pour aider ses voisins, peut citer des exemples du bien qu’elle fait et ne voit pas la nécessité d’une confirmation de plus. Il est très possible que des gens à tous les niveaux de la hiérarchie partagent ce point de vue.

On peut qualifier le second état d’esprit d’«évaluphobie», qui s’exprime par une crainte et une antipathie à l’égard des évaluations. On en trouve des traces au niveau des gouvernements dont les fonctionnaires considèrent qu’il est purement dans l’intérêt des évaluateurs de trouver des erreurs. Dans un certain pays, 20 ans se sont écoulés avant que le gouvernement n’autorise une évaluation d’impact détaillée – qui s’avéra d’ailleurs positive et profitable. Dans le camp non gouvernemental, on trouve au moins l’exemple d’une organisation qui s’oppose à l’évaluation d’impact sous prétexte qu’elle minerait le bon travail de milliers de gens ayant passé du temps bénévolement à aider leurs voisins (Karlekar. 2000). À leur décharge, il faut dire qu’un grand nombre d’évaluations sont loin d’être réjouissantes.

Le troisième état d’esprit peut être désigné du terme de «territorialisme ». Il exprime que les gens n’apprécient pas que des personnes venues de l’extérieur – qui envahissent leur territoire – inspectent et évaluent leur travail alors qu’elles ne connaissent pas vraiment leurs objectifs ainsi que les conditions, loin d’être idéales, et les difficultés auxquelles ils doivent faire face dans leurs activités. Ils nourrissent non seulement ces ressentiments à l’égard des étrangers que des financiers externes leur imposent, mais peut-être aussi des évaluateurs envoyés par des? universités ou des entreprises conseil locales.

La «correction politique» est l’expression adéquate qui décrit le quatrième état d’esprit. Il est correct de considérer qu’au niveau local, les gens devraient le plus possible surveiller et évaluer l’éducation et la formation de base des adultes, et qu’il faudrait avoir le moins possible recours à des personnes venues de l’extérieur. En outre, là où des évaluateurs locaux ne sont pas immédiatement disponibles, il conviendrait que l’on s’efforce de recruter des personnes qui conviennent pour la formation et qui seraient chargées de la surveillance et de l’évaluation, en d’autres termes il faudrait créer des capacités. Ces points de vue corrects semblent avoir pris le pas sur le besoin d’informations fiables. Un grand nombre de rapports et études disponibles montre qu’au niveau local, des personnes insuffisamment spécialisées ont été recrutées pour procéder à des évaluations tout simplement parce qu’elles venaient du coin. Dans certains cas, leur manque de qualifications a été reconnu, ce qui n’a pas empêché de les engager en partant du principe qu’elles en disposaient tout au moins de quelques-unes. Dans d’autres cas, la position qu’elles occupaient dissimulait leur manque d’expertise. Résultat: un certain nombre de rapports contenait des données qui n’étaient pas entièrement fiables, certaines analyses n’avaient pas uniquement recours à des données solides et produisaient par conséquent moins d’informations qu’on ne l’avait espéré, et certaines conclusions ne pouvaient pas servir pour procéder à une planification et à une mise en place ultérieure de mesures. Bien entendu, ces rapports ne sont jamais publiés et tombent dans le domaine de la documentation «grise», la plupart d’entre eux ne pouvant pas être consultés. En ce qui concerne la création d?e capacités, nous avons vu par le passé des efforts répétés entrepris pour en produire de nouvelles, rapidement absorbées par d’autres projets ou employées dans d’autres fonctions par l’intermédiaire de promotions ou de mutations. Cet état de fait semble se vérifier tant au niveau des gouvernements qu’à celui des organisations non gouvernementales. Les priorités des organismes et celles que les individus accordent à leur carrière ont tendance à passer devant les besoins de l’éducation et de la formation de base des adultes de disposer de bonnes informations.

Somme toute, on peut supposer que ces quatre états d’esprit ont contribué à empêcher les efforts – et les financements – de mieux se développer et barré la route à une connaissance plus complète, plus définitive et plus holistique de ce qui fonctionne le mieux dans le domaine de l’éducation et de la formation de base des adultes.

Le manque de capacités

L’hypothèse de la «correction politique» nous permet bien entendu entre autres de déduire que les capacités nécessaires pour entreprendre et gérer une surveillance et une évaluation de bonne qualité sont rares, et qu’il faut les créer et les entretenir, mais aussi les multiplier, de manière à ce qu’une fois formées, elles restent disponibles. Il serait peut-être judicieux de spécifier précisément de quelles capacités il s’agit. En dresser la liste est facile.

  • Une connaissance actuelle des possibilités disponibles pour procéder à des évaluations solides et vraimen?t informatives – tant au plan qualitatif que quantitatif – afin de s’adapter aux circonstances.

  • La capacité d’élaborer des études en béton qui aborderaient les questions concernant tous les risques de corruption, les questionnaires peu clairs ou ambigus, la causalité multiple ou la colinéarité, et qui en tiendraient compte.

  • La capacité de gérer la mise en place d’une étude, y compris la formation des assistants de recherche nécessaires, et une supervision permettant d’assurer que les observations sont faites correctement.

  • La capacité de gérer des données, de disposer de l’expertise nécessaire pour assurer que tous les outils d’analyse disponibles soient employés pour extraire des informations solides à partir des données existantes.

  • La capacité de rédiger des analyses dans des termes qui aident les politiques et les éducateurs à ajuster les programmes actuels et à planifier ceux de l’avenir.

  • La capacité d’assurer que le produit est transmis à tous les gens auxquels il pourrait être utile ainsi qu’aux professionnels de l’éducation des adultes en général

La voie de l’avenir

Créer ces capacités, voire les multiplier, pourrait s’avérer plus facile que de changer les quatre états d’esprit dont il a été question pour faire adopter une position plus favorable à l’expérimentation, à la recherche, à la s?urveillance et aux évaluations. Il serait même plus réaliste de songer à circonvenir les esprits que de les convertir. Quoi qu’il en soit, une chose paraît claire: si les minces éléments dont nous disposons actuellement pouvaient être multipliés pour montrer avec plus de fiabilité et de précision la direction que prennent l’éducation et la formation de base des adultes, les ressources couleraient plus promptement pour améliorer leurs programmes destinés à permettre à un plus grand nombre de pauvres de se sortir de leur misère.

Annotations

1 Société pour le développement des fibres textiles, Sénégal.
2 De nombreuses choses indiquent qu’un grand nombre de personnes n’ayant reçu aucune instruction sont capables d’effectuer des opérations complexes de calcul mental. Néanmoins, être aptes à les faire par écrit et à les enregistrer leur donne plus d’assurance.

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Éducation des Adultes et Développement
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