Crystal Kigoni

On ne peut mettre un terme aux inégalités mondiales que si l’on investit dans l’éducation et la connaissance. L’Internet a dans ce domaine une influence décisive. Mais la division numérique exclut les pays subsahariens de cette technique et accentue leur retard. C’est pour y remédier qu’a été créé le kiosque Internet rural. Indépendamment de l’alimentation en électricité et de la connexion aux réseaux Internet, il donne aux populations rurales l’accès à la communication, à l’information et au savoir tout en les aidant à mettre fin à leur exclusion dans presque tous les principaux domaines de la vie.

Les kiosques Internet ruraux: l’autonomisation par l’information dans l’Afrique rurale


Nous vivons dans un monde globalisé où chacun est interconnecté. L’approvisionnement en denrées alimentaires pour les États-Unis est lié à la production en Afrique, et la pollution provoquée par les nations développées a entraîné un changement climatique planétaire. La mondialisation a été soumise au modèle du capitalisme débridé de l’économie de marché, et nous avons été témoins du vacillement d’idéologies comme le consensus de Washington qui a échoué lors de sa mise œuvre. L’idéologie du consensus de Washington repose sur la théorie de l’économie de marché qui suppose une information parfaite, une concurrence parfaite et des marchés à risques parfaits. C’est une idéalisation de la réalité qui ne se réalise que rarement dans les pays en développement. 1 Les marchés mondialisés n’ont absolument pas réussi à obtenir de résultats efficaces avec les 20 % de la population mondiale qui possèdent plus de 75 % du capital mondial. En un mot, le système économique enrichit quelques-uns et laisse les autres mourir dans la pauvreté. Le seul moyen de corriger ce déséquilibre des forces est d’investir dans l’éducation conduisant au développement de compétences, dans les technologies de l’information et de la communication et dans la création de capital à la base. Selon Joseph Stiglitz, ancien président de la Banque mondiale et chercheur dans le domaine de la mondialisation,

«Ce qui sépare les pays développés de ceux qui le sont moins n’est pas un écart au plan des ressources, mais une inégalité concernant le savoir, ce qui explique pourquoi il est si important d’investir dans l’éducation et la technologie.»

Les technologies de l’information et de la communication ont le pouvoir de changer la façon dont nous pratiquons le développement dans le monde entier et dont le savoir est transmis aux gens au plan international. Dans les campagnes de l’Afrique subsaharienne, l’absence d’accès à ces solutions d’éducation et de développement par les TIC met des populations déjà isolées et marginalisées dans une position encore plus désavantagée à une époque où les technologies de l’information et de la communication révolutionnent la façon dont la majorité des gens dans le monde entretiennent des rapports et opèrent. Bien que les contextes dans les pays africains soient très changeants et qu’il n’y ait pas de vérité unanime, certaines tendances générales illustrent quelques dures réalités. L’absence de possibilités d’avoir accès aux informations disponibles et de les utiliser, ce que l’on qualifie communément de fossé numérique, continue sur tout le continent de paralyser le progrès vers un développement durable. Ceci se voit le mieux dans les régions agricoles rurales où 60 % de tous les Africains subsahariens sont employés. Cet article décrit en résumé une solution technologique d’information et de communication, et son objectif en matière de développement durable en vue d’atteindre des communautés rurales, éloignées et isolées sur tout le continent africain. Sachant que rien ne se crée dans le vide, les Voices of Africa for Sustainable Development (Voix de l’Afrique pour le développement durable) s’élèvent pour inviter à répondre aux besoins des communautés rurales en matière d’information et de communication en adoptant une approche socioprofessionnelle multisectorielle pour mettre en place un accès universel, abordable et équitable en créant des kiosques Internet ruraux. Ces derniers sont des kiosques indépendants et autonomes, fonctionnant à 100 % à l’énergie solaire et disposant de trois terminaux industriels et d’un terminal d’administration avec connexion Internet sans fil à large bande. Ils ont été conçus pour aider à combler le fossé numérique en Afrique grâce à leur totale indépendance vis-à-vis de toute infrastructure en place. Les kiosques sont prévus pour être déployés n’importe où dans les campagnes africaines que ce soit dans des villages agricoles ou dans le désert. En utilisant des panneaux photovoltaïques et un accès Internet par satellite, par le biais d’Astra2Connect, nous sommes en mesure d’atteindre les gens qui attendent de l’autre côté du fossé numérique.

 

 

 

 

Kiosque Internet 
Source: Crystal Kigoni

 

 

 

 

 

 

 

On ne saurait surestimer les besoins des zones rurales en matière d’information, car cette nécessité est le principal facteur contribuant aux pourcentages élevés de chômage parmi les jeunes et à l’absence de progrès. Dans les campagnes reculées, peu d’écoles disposent de ressources adéquates et presque aucune de bibliothèque municipale. Les rares bibliothèques qui existent disposent souvent quant à elles de vieux documents dépassés, et, dans le cas des fermiers, il est important de mettre à leur disposition des informations nouvelles et d’actualité concernant les prix des produits agricoles et la météo. Les connaissances qui sauvent des vies et peuvent être disséminées par l’intermédiaire des TIC ont jusqu’à présent été hors de portée des gens. L’accès à Internet peut permettre de répondre à des questions et de trouver des solutions en l’espace de quelques minutes. Comme une femme d’une campagne de la province Ouest du Kenya s’est exclamée: «C’est comme si l’on vous guidait de l’obscurité vers la lumière!»

 

La pauvreté matérielle, la mauvaise santé, les mauvais niveaux d’hygiène et d’instruction, l’absence d’accès aux services gouvernementaux et aux services de financement sont des problèmes centraux dans les communautés rurales. L’information et la communication permettent de s’attaquer à toutes ces questions. La rareté de l’information est un problème social que l’on rencontre dans tous les pays en développement et qui est un des facteurs principaux de l’absence de progrès en matière de développement. Les kiosques Internet ruraux peuvent offrir aux communautés les solutions de développement suivantes: e-agriculture, e-commerce, esanté, e-gouvernement, e-services bancaires, e-éducation, services d’aide sociale, création de contenus locaux, formation à des techniques, possibilités de trouver du travail, médias locaux indépendants et diffusion du savoir du Nord vers le Sud et du Sud vers le Nord. En ayant accès aux TIC et à Internet, les gens peuvent par eux-mêmes déterminer le type de développement qu’ils souhaitent entreprendre au sein de leurs communautés.

Les deux grandes nécessités en Afrique subsaharienne ne sont ni les denrées alimentaires ni l’eau mais le savoir et le capital. Sans ces éléments de base, les Africains ne peuvent pas prendre une part active au système économique qui contrôle leurs existences. Plutôt que d’ignorer les causes réelles de la souffrance et de la pauvreté, nous devrions employer les TIC pour créer une base d’information et de capital pour les gens grâce à la conception de programmes et à leur mise en œuvre à vaste échelle. En adoptant une approche participative mettant l’accent sur le côté social de l’entreprise, le système des kiosques Internet ruraux peut aider les gens à venir à bout des problèmes auxquels l’Afrique est en proie depuis des générations. La prochaine étape consistera à emprunter la voie de l’équité et de l’autonomisation.

Infrastructure, défis et solutions

L’un des plus grands défis auxquels la diffusion des TIC doit faire face en Afrique est le manque d’électricité. Le pourcentage d’électrification des zones rurales reposant dans la plupart des pays africains sur un quadrillage varie entre 2 et 8 %, ce qui laisse 90 % des Africains des zones rurales dans le noir. 2 Sans électricité, les défis qui se posent au déploiement et à l’utilisation de l’ordinateur et des technologies de l’information sont considérables. Plutôt que de trébucher au-dessus de cet obstacle et d’oublier les gens dans le besoin, VOA4SD et Intersat Africa ont commencé à tester ce que l’énergie solaire peut permettre d’obtenir pour faire fonctionner différentes solutions informatiques. On trouve les meilleures solutions dans les kiosques Internet ruraux.

Tout jeune chômeur qui souffre de la faim est un conspirateur potentiel, susceptible de céder à la violence et à l’instabilité. Un jeune en bonne santé, mais privé de possibilités d’évoluer tombe dans le désespoir et devient victime du système. Lorsque l’on propose à ces jeunes une semaine de salaire pour perpétrer des actes de violence, on peut les convaincre qu’ils frappent les gens qui entravent leur progrès. Toutefois, donnez à ces mêmes jeunes du travail, un accès à l’éducation et un capital d’affaires, et ils deviendront les leaders du développement dans leurs communautés. La mise en place du modèle utilisé pour installer des kiosques Internet ruraux en Afrique de l’Est encourage les jeunes à travailler ensemble avec leurs communautés pour leur bénéfice mutuel. Les cercles concentriques d’impact illustrés ci-dessous dans la figure 1 montrent comment les kiosques Internet ruraux influent sur les jeunes qui en deviennent les opérateurs et les copropriétaires conjointement avec leurs communautés. Les jeunes opérateurs font tous partie de groupes locaux de la jeunesse. Ils reçoivent un salaire de base et les bénéfices restants sont investis dans d’autres entreprises socioprofessionnelles au profit des jeunes. Les groupes de jeunes sont les propriétaires des kiosques qui sont des entreprises professionnelles en partenariat avec des organisations locales de proximité. Le modèle de copropriété permet aux organisations locales de proximité d’investir dans des projets agricoles générateurs de revenus pour la communauté au sens plus large. Une part des bénéfices restants sera utilisée par les groupes de jeunes et les organisations locales de proximité pour répondre aux besoins des membres les plus vulnérables de la communauté, dans la plupart des cas, ces sommes seront consacrées aux soins des personnes affectées par le VIH-SIDA, aux orphelins, aux veuves et aux enfants fragilisés. En contribuant à l’activité économique de leurs régions, les kiosques Internet ruraux créent pour les jeunes davantage de possibilités de trouver du travail, et leur programme de formation encourage l’entreprenariat. Ceci se répercute sur l’ensemble de la population jeune du fait que l’information se répand rapidement à travers ce groupe de population. Devenus des membres plus productifs et plus actifs au sein de leurs communautés, les jeunes seront en mesure d’influencer et d’impacter fortement la situation socio-économique de leurs villages.

 

 

 

 

 

Les centres concentriques d’impact

Les Voices of Africa for Sustainable Development et Intersat Africa s’efforcent de mettre en œuvre des projets de TIC-D (technologies de l’information et de la communication pour le développement) dans toute l’Afrique subsaharienne et de créer un réseau international de partage du savoir en vue d’un développement durable. Conjointement avec d’autres partenaires, nous donnerons à des innovateurs de développement des moyens de créer des preuves tangibles sur le terrain du changement social, politique et économique possible par le biais des TIC-D et de l’accès à Internet. Nous pouvons éradiquer la pauvreté durant notre existence et préparer le terrain d’action pour les générations futures.

 

 

 

 

www.elearning-africa.com/fra/conference.php

Notes

1 Joseph Stiglitz, Making Globalization Work, p. 28.
2 Energy Information Administration, International Energy Annual, 2004.

Éducation des Adultes et Développement
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