Lamphoune Luangxay/Mathias Pfeifer

Depuis 2003, la méthode Reflect est utilisée au Laos. Des formateurs ont été formés et des Centres d’apprentissage communautaires ont été créés dans le cadre de projets pilotes. Les effets dans le domaine de l’éducation non-formelle sont positifs. Les apprenants sont plus dynamiques, les participants plus nombreux. Le fait d’utili ser cette méthode au Laos a également modifié l’approche proprement dite, même si les changements restent superficiels. Les approches comme la méthode Reflect ravivent la pratique pédagogique et renforcent la confiance en soi des femmes, mais le véritable changement prend du temps.

Les défis que posent au Laos l’introduction d’approches innovantes de l’éducation des adultes


Bien que le peuple laotien vive aujourd’hui dans la paix et la stabilité politique, et qu’il jouisse d’une croissance économique raisonnablement élevée, la population, majoritairement rurale, subit encore de considérables épreuves. Les habitants de contrées reculées et difficiles d’accès, souvent freinés par une foule de groupes ethnolinguistiques divers, souffrent d’une grave pauvreté et sont marginalisés. Les femmes sont particulièrement vulnérables, ce que reflètent les faibles pourcentages d’alphabétisation: dans les 56 districts les plus désavantagés du point de vue de l’éducation, tels que le gouvernement laotien les a identifiés, seulement 37 % des femmes sont alphabétisées; dans certains groupes ethnolinguistiques, ce pourcentage est même inférieur à 5 % (ministère de l’Éducation, 2010). L’insécurité alimentaire, qui affecte environ deux tiers de la population rurale, est l’un des problèmes présentant la plus grande urgence chez les pauvres.

Le gouvernement du Laos considère que l’éducation non formelle des jeunes et des adultes, principalement axée sur l’alphabétisation, les compétences nécessaires dans la vie courante et les compétences professionnelles de base peuvent constituer des moyens de surmonter la marginalisation et le cercle vicieux de la pauvreté. Longtemps, toutefois, l’éducation non formelle des adultes s’est principalement bornée à calquer le modèle scolaire, n’offrant que peu de possibilités d’acquérir activement des connaissances pertinentes. En fait, jusqu’à ce jour, l’éducation non formelle des adultes reste insuffisante; dans l’ensemble, sa pertinence et ses contenus ne répondent pas aux besoins des groupes cibles.

L’introduction de la méthode Reflect dans l’éducation des adultes a été favorablement accueillie au Laos du fait qu’elle tend de manière novatrice à engager les apprenants dans des activités éducatives autodirigées. Reflect associe la philosophie de Paulo Freire, la méthode participative d’évaluation en milieu rural et d’autres méthodes créatives d’apprentissage. Suivant l’approche Reflect, aucun curriculum externe ou abécédaires et manuels prédéfinis ne sont censés être utilisés étant donné qu’on encourage les participants à choisir leurs sujets et à développer leurs propres matériels d’apprentissage au reflet de leurs besoins. Par-dessus tout, la méthode Reflect favorise «l’éducation transformatrice» et vise «l’autonomisation» des participants et des communautés en établissant des liens entre l’alphabétisation et des projets de développement (communautaires) plus vastes et en développant des moyens de communication, y compris l’alphabétisation, nécessaires pour que les gens puissent se bâtir une existence.

L’arrivée de Reflect au Laos

Reflect a fait son apparition au Laos en 2003 dans le cadre d’un projet interfrontalier mené par ActionAid Vietnam dans l’est du Laos. Plusieurs formateurs de formateurs Reflect laotiens furent formés et, plus tard, avec le soutien constant de spécialistes vietnamiens, ils formèrent à leur tour des animateurs dans le cadre de deux projets pilotes supplémentaires mis sur pied au nord du Laos et comprenant la tentative d’organiser des cercles Reflect dans le cadre de la revitalisation des centres d’apprentissage communautaires. Une quatrième tentative d’introduire Reflect au sud du Laos est actuellement en cours avec le soutien de DVV International qui a récemment ouvert une antenne régionale à Vientiane, la capitale du pays. Durant la phase préparatoire de ce tout dernier projet pilote avec Reflect, DVV International et ses partenaires ont essayé de recueillir des informations afin d’en savoir plus sur les expériences faites dans le cadre des projets Reflect organisés actuellement au Laos. Au cours de plusieurs voyages d’étude et d’échanges intenses avec des participants, des animateurs, les pouvoirs publics des villages et des districts, ainsi que le ministère de l’Éducation non formelle, qui coordonne ces projets, il est apparu que la méthode Reflect apporte, semble-t-il, de nouvelles impulsions dans le secteur de l’éducation non formelle. Durant les voyages d’étude et par la suite, les réactions des différents partenaires participant aux projets pilotes ont majoritairement été positives. Reflect contribue en effet à favoriser des discussions animées et un apprentissage plus actif et plus important au sein des communautés. Par rapport aux cours d’alphabétisation conventionnels, destinés aux adultes, on a noté une nette amélioration. D’un autre côté, il est essentiel de reconnaître les nombreux défis que posent la mise en œuvre et la pratique de cette approche innovante dans des communautés marginalisées au Laos. Le perfectionnement et peut-être même l’intégration de Reflect dans la politique d’éducation non formelle du Laos dépend de la façon dont on s’attaquera à ces difficultés. En outre, il vaut particulièrement la peine d’éclaircir quelque peu les cas dans lesquels la méthode Reflect a non seulement été adaptée, mais apparemment aussi transformée, ce qui indique que les méthodes dépendent largement de facteurs contextuels.

 

 

 

Cercle Reflect au Laos
Source: DVV International Asie du Sud-Est

 

 

 

La transformation de Reflect dans le contexte du Laos

On ne peut pas nier que la diversité des pratiques est véritablement une force, activement encouragée dans le cadre de la méthode Reflect. Toutefois, mêmes les caractéristiques et principes fondamentaux de cette approche sont à peine reconnaissables dans les cercles au Laos. Les innovations les plus marquantes de Reflect, comme l’abandon d’abécédaires et de curriculums externes prédéfinis, ou encore l’emploi de graphiques d’évaluation participative en milieu rural sont concernées par cela. Par exemple, dans les cercles Reflect au Laos, les abécédaires continuent d’être largement utilisés en association avec des outils d’évaluation participative en milieu rural favorisés par Reflect. Les raisons de continuer à utiliser les abécédaires et les manuels sont variées. D’abord, tant les participants que les animateurs ont exprimé le souhait d’utiliser ces livres, car ils trouvent extrêmement difficile, notamment dans le cas des personnes analphabètes, d’apprendre (et d’enseigner) la lecture, l’écriture et le calcul sans l’aide de manuels. De nombreux participants et animateurs racontent qu’ils préfèrent en réalité une méthode mixte avec des abécédaires comme soutien à l’alphabétisation, notamment au début, et l’introduction parallèle constante de méthodes d’apprentissage participatives et innovantes. Une évaluation Reflect du Cambodge, 1 le voisin du Laos, révèle aussi une attitude semblable parmi les animateurs et participants quant à l’utilisation d’abécédaires. Les environnements très faiblement alphabétisés dans ces contrées isolées et rurales du Laos où la méthode Reflect a été mise en œuvre contribuent aussi à pousser les animateurs et participants à recourir aux abécédaires. Les matériels de lecture comme les journaux, les brochures ou les lettres, sans parler des livres, sont rares voire absents de la plupart des foyers, et, dans l’ensemble, d’un grand nombre des villages cibles. Les villages plus importants et les villes des districts se situent souvent à une journée de marche, voire davantage. Les abécédaires fournis par les services de l’Éducation des districts comptent parmi les rares supports écrits accessibles à un grand nombre de participants à l’apprentissage selon la méthode Reflect dans les campagnes laotiennes. Il est par conséquent crucial de créer des bibliothèques villageoises, ce qui a été le cas dans de nombreux villages où la méthode Reflect a été introduite.

En dehors de ces défis au niveau des villages, il est également essentiel de noter que l’acceptation aux plans national, provincial et des districts d’une telle approche originale de l’alphabétisation et de l’éducation des adultes prend, semble-t-il, du temps. Les projets pilotes dans le cadre desquels Reflect a été testée sont plutôt de petite envergure, alors que l’environnement institutionnel global au sein desquels ils sont organisés reste marqué par l’idée selon laquelle l’alphabétisation des adultes repose fondamentalement sur l’emploi d’abécédaires, conformément à l’actuelle politique nationale d’éducation non formelle. L’attente extérieure de cette poursuite de l’utilisation des abécédaires reste par conséquent forte, même dans les projets pilotes testant une approche différente.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Formation professionelle
Source: DVV International Asie du Sud-Est

 

 

 

De même, en ce qui concerne l’emploi d’un curriculum, on rencontre principale ment une situation semblable: bien que les participants aux cercles Reflect soient invités à élaborer ensemble des plans pour les cours – une liberté qu’ils apprécient beaucoup –, cette pratique n’est possible que jusqu’à un certain point. Le curriculum officiel d’éducation non formelle demeure une importante référence. La politique laotienne en matière d’éducation non formelle envisage que grosso modo la moitié des sujets abordés dans les cours d’éducation des adultes – que ce soit dans des cercles Reflect ou dans des cours «traditionnels» d’alphabétisation des adultes – soit basée sur le curriculum national et que l’autre moitié soit choisie par les animateurs et les participants eux-mêmes, en fonction de leurs besoins. Cette politique a été mise en place pour assurer qu’une fois qu’ils auraient terminé un programme d’éducation non formelle, les participants seraient en mesure d’obtenir des certificats d’équivalence du primaire.

En observant des séances Reflect, on s’est aussi aperçu que l’enseignement et l’apprentissage s’orientent encore largement vers un modèle scolaire, bien que, par rapport à des cours traditionnels d’alphabétisation, l’on constate qu’elles constituent sans aucun doute une source plus riche de discussions, d’apprentissage actif, de jeux et de plaisir. On demande d’habitude aux participants d’émettre des commentaires et des idées, même si l’«animateur» Reflect semble continuer d’être l’«enseignant» qui continue d’avoir tendance à contrôler le savoir. Après les discussions, il est monnaie courante dans certains cercles de «recopier» de façon traditionnelle «ce qui est écrit au tableau». On a en outre observé que les animateurs distribuaient des notes durant tout le processus d’apprentissage afin de motiver les apprenants. Cette pratique semble ici aussi venir d’un accord mutuel entre animateurs et participants – ce qui reflète la notion d’une éducation sur un modèle scolaire couramment répandue dans les campagnes laotiennes (et audelà). Les cercles Reflect restent dans une large mesure perçus comme une forme de scolarité supplémentaire. Cette conception ne change que très lentement, bien que les animateurs Reflect soient constamment confrontés à des messages différents.

La difficulté de créer une approche utile d’apprentissage participatif, censée être introduite dans les cercles Reflect, devient aussi manifeste quand on se penche sur l’emploi de supports graphiques d’évaluation participative en milieu rural et sur leur impact. Les participants prennent sans aucun doute plaisir à les produire et les animateurs sont fiers d’animer des analyses et discussions en s’appuyant sur une nouvelle méthode de ce type, bien que l’utilisation de matériaux locaux pour créer ces outils soit populaire, la préférence va nettement aux graphiques et au tableau noir. En réalité, toute une panoplie de cartes, de matrices et de calendriers ornent souvent les murs des «classes» où se retrouvent les participants des cercles Reflect. Mais lorsqu’on en vient à l’impact réel de ces analyses, peu de choses prouvent qu’elles améliorent vraiment un processus d’apprentissage profond et déclenchent une action communautaire. L’analyse a tendance a être quelque peu superficielle; les messages de développement véhiculés dans les cercles Reflect se différencient à peine de ceux transmis dans les cours traditionnels d’alphabétisation des adultes, bien qu’en raison des discussions plus nombreuses et de l’input plus important de la part des participants, ces messages sont plus pertinents pour les apprenants qui les accepteront de ce fait peut-être plus probablement. Une fois les problèmes analysés et leurs solutions examinées durant les réunions des cercles, et avant de passer au thème suivant, les participants promettent généralement de changer leurs vieilles habitudes en fonction de ce nouveau savoir. Des «plans d’action» sont rarement mis en œuvre. L’on raconte qu’il arrive à des participants d’informer leurs voisins au sujet du besoin d’améliorer certaines pratiques d’hygiène comme faire bouillir l’eau ou sur les avantages de construire des toilettes. Bien que des formations permettant de développer des moyens de subsistance et des projets servant à la génération de revenus comme l’élevage de cochons et de volaille, ou le tissage soient, ou aient été, mis en œuvre dans de nombreux cercles des projets pilotes Reflect, ils ne reposaient pas sur une analyse sophistiquée menée au sein des cercles, et leur organisation était largement tributaire d’un appui extérieur.

Limites des méthodes et pouvoir des facteurs contextuels

Quelles sont les implications de ces expériences menées aux Laos avec la méthode Reflect? Un point saute aux yeux: la nécessité de former mieux et davantage les animateurs et les formateurs de formateurs Reflect est cruciale. On peut soutenir que dès le début du transfert de l’approche Reflect du Viêt-Nam il y a eu un manque d’adéquation et d’adaptation convenant à la situation au Laos.

 

 

 

Classe d’alphabétisation dans un centre d’apprentissage de proximité
Source: DVV International Asie du Sud-Est

 

 

 

 

La mauvaise compréhension et l’insuffisante formation ne sont toutefois peut-être pas les seules raisons aux défis décrits ci-dessus. L’expérience faite avec la mise en œuvre de Reflect au Laos corrobore largement les résultats d’études ethnographiques sur des programmes d’alphabétisation des adultes organisés ailleurs, y compris les résultats d’une recherche en profondeur sur les cercles Reflect, effectuée dans le cadre de projets mis en œuvre au Bangladesh et en Ouganda (Fiedrich & Jellema, 2003). Cette étude révèle que des défis similaires à ceux du Laos se posent lors de l’introduction de nouvelles approches et méthodes. Dans son étude ethnographique sur différentes approches de l’alphabétisation des adultes au Népal, qui a été récompensée par le prix de l’UNESCO, Anne Robinson Pant (2000: 76) a par exemple découvert que «dans la pratique, les approches de l’alphabétisation sont très différentes de ce qu’elles sont en théorie», car elle «peuvent se transformer au stade de la mise en œuvre, non parce que les animateurs sont insuffisamment ‘formés’ à ces approches, mais parce qu’elles répondent à des circonstances et demandes locales» (p. 158). Par conséquent, elle a observé comment

«des innovations éducatives spécifiques comme les LGM [Learner or Locally Generated Materials/Supports générés par l’apprenant ou localement] emploient en réalité un mélange de méthodes d’enseignement et interprètent les supports pédagogiques en fonction de la situation sur place et des croyances locales». (p. 157)

Les chercheurs qui ont étroitement observé les cercles Reflect en Ouganda et au Bangladesh tirent une conclusion similaire: ils ont eux aussi remarqué comment les innovations éducatives de la méthode Reflect se retrouvaient souvent déformées et transformées sur le terrain. En outre, les auteurs soutiennent que

«même avec une mise en pratique parfaite de la méthode Reflect dans chaque cercle, la signification et, par conséquent, ‘l’impact’ des programmes d’alphabétisation resteraient hors du contrôle d’ActionAid. Il faut que les participants inventent et négocient eux-mêmes les cours d’alphabétisation au sein d’un contexte institutionnel et culturel particulier». (Fiedrich & Jellema 2003: 182)

Les nouvelles méthodes ne sont, semble-t-il, qu’un facteur parmi d’autres dans un programme d’alphabétisation donné, et l’on ne peut pas supposer répondre à des processus éducatifs souhaités par la seule mise en œuvre d’une certaine méthode. Ceci est également vrai en ce qui concerne les résultats escomptés comme ‘l’autonomisation’:

«Les planificateurs ne peuvent pas présumer qu’une approche particulière de l’alphabétisation soit liée à un certain développement (ex. l’alphabétisation freirienne menant à l’autonomisation ou l’alphabétisation conduisant à la sensibilisation en matière de santé)». (Robinson-Pant, 2000: 107)

Éducation des adultes et autonomisation des femmes

Il a été observé et rapporté que les cercles Reflect au Laos peuvent difficilement être décrits comme les forums de l’autonomisation tels ceux que l’approche Reflect est supposée créer. Peu d’éléments indiquent le déroulement d’un apprentissage émancipateur ou transformateur ou d’une «conscientisation» de quelque importance. Les programmes d’alphabétisation qui ont introduits l’approche Reflect au Laos sont manifestement bien plus une approche de l’alphabétisation fonctionnelle. Les évaluations de Reflect effectuées dans de nombreux autres pays indiquent que ceci n’a rien d’inhabituel. Dans le cas du Laos, ce n’est pas surprenant étant donné la prédominance d’une alphabétisation fonctionnelle axée principalement sur l’accroissement de la productivité des apprenants et le principe selon lequel l’alphabétisation, considérée comme un ensemble de compétences techniques indépendant du contexte de sa mise en pratique («modèle autonome» d’alphabétisation) est une panacée universelle induisant une foule d’autres résultats en matière de développement comme, par exemple, une amélioration de la santé.

N’empêche, les évaluations de la méthode Reflect, au Laos et ailleurs, continuent de louer les progrès au plan de l’autonomisation, notamment des femmes. Ceci est en partie possible du fait que l’autonomisation «tend à être identifiée avec des activités axées sur les apprenants et dirigées par eux dans les salles de classe» (Robinson-Pant 2000: 33) et qu’en outre, souvent, on «l’assimile à une approche ‘fonctionnelle’ dans le contexte de l’alphabétisation ou à ‘la confiance’ par rapport aux femmes» (Robinson-Pant 2000: 45). Effectivement, beaucoup de participantes au Laos (les femmes étant généralement largement majoritaires dans les cercles) déclarent bénéficier de plus de confiance et de respect au sein de leurs communautés. La valeur symbolique que constitue le fait d’être alphabétisées semble jouer un rôle important puisqu’il permet aux participantes de gravir un échelon sur l’échelle sociale. Les femmes déclarent aussi qu’à présent, elles se sentent mieux à même de «faire des commentaires» dans les groupes et qu’en particulier pour celles qui appartiennent à l’un des nombreux groupes ethniques parlant des langues différentes, l’amélioration de leur maîtrise du laotien, la langue officielle, constitue un gain précieux. Même si ceci est très important, ça ne veut pas dire nécessairement que les rapports inéquitables entre les sexes soient remis en question ou ouvertement contestés. Malgré les contraintes contextuelles auxquelles la plupart des participantes se trouvent confrontées, ceci ne paraît pas être leur priorité – bien qu’il soit possible – ce qui a été d’ailleurs observé dans des projets Reflect ailleurs – que la résistance contre les inégalités entre les sexes se déroule autre part, dans des sphères plus cachées.

 

 

 

Cercle Reflect
Source: DVV International Asie du Sud-Est

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par-dessus tout, les femmes (et les hommes) dans les cercles Reflect au Laos semblent principalement soucieux de vaincre l’insécurité alimentaire, et ils racontent souvent qu’ils espèrent avoir l’occasion de suivre des formations professionnelles de base pour améliorer leurs modes de culture ou pour monter des activités d’élevage, ou qu’ils espèrent avoir l’occasion de s’instruire et d’enrichir leurs compétences pour exercer des activités non agricoles comme le tissage ou la transformation de produits alimentaires. Dans la mesure où ce type de formations fait partie des projets Reflect au Laos, comme c’est par exemple le cas dans le contexte des centres d’apprentissage communautaires, le savoir et les compétences dans ces domaines sont également davantage appréciés que de «simples» compétences en lecture, en écriture et en calcul. Dans le contexte laotien, la mise en œuvre de moyens efficaces pour combiner l’alphabétisation et la formation professionnelle de base constitue un défi majeur. Bien que la méthode Reflect soit sans conteste un point de départ, il est particulièrement important d’améliorer et d’élargir la formation professionnelle de base non formelle. Étant donné que ces formations donnent directement aux apprenants la possibilité d’améliorer leurs moyens de subsistance, c’est probablement aussi dans ce domaine qu’il serait judicieux d’alphabétiser les participants et, ainsi, qu’ils aient l’occasion de mettre leurs acquis en pratique de façon plus soutenue. Oxenham et coll. (2002) nous présentent un débat et un examen intéressant des projets menés en vue d’intégrer l’alphabétisation et la formation professionnelle de base.

L’idée selon laquelle les femmes dans les cercles Reflect initient une mobilisation du bas vers le haut en ce qui concerne les besoins pratiques et stratégiques liés au genre et influencent les services proposés comme l’offre des formations professionnelles nécessaires est actuellement une vision loin de la réalité dans le contexte des campagnes laotiennes. Comme nous l’avons déjà indiqué, les évaluations Reflect effectuées dans le monde entier montrent que l’on ne parvient que très rarement à un tel résultat. Souvent, au lieu de cela, les cercles Reflect sont transformés en groupes d’entraide, et les participants et communauté n’ont qu’à compter sur leurs propres ressources pour construire des routes ou des écoles. Ceci ne va pas sans problèmes, du fait qu’une telle approche tend à placer toute la charge de la réduction de la pauvreté sur les seules épaules des pauvres. «Ce n’est pas de votre faute si vous êtes en bas de l’échelle, mais la gravir dépend de vous» (Ulrich Bröckling). Cette phrase traduit peut-être la devise de l’idéologie de l’autonomisation dans la pratique.

Conclusion

L’introduction de Reflect au Laos est un pas énorme dans la bonne direction. Cela n’a toutefois pas suffi à changer profondément dans ce pays les pratiques et croyances traditionnelles concernant l’éducation et l’alphabétisation. Pour aborder cette question, il est nécessaire d’entreprendre des actions de plaidoyer à tous les niveaux et de fournir un soutien constant aux animateurs. Il ne faut pas s’attendre à un changement rapide de la situation. Entre-temps, il est essentiel de reconnaître non seulement les contextes locaux dans lesquels se déroule l’enseignement, mais aussi les croyances concernant l’éducation et les déformations que subissent les approches comme Reflect dans la pratique, et qui en sont le résultat. Les étiquettes telles que Reflect, comme «l’approche freirienne» auparavant, de même que les termes comme «autonomisation», qui font surgir de grandes attentes, doivent être utilisés avec plus de prudence pour décrire les programmes d’alphabétisation des adultes et les résultats qu’on attend d’eux:

«On risque sinon de voir cette terminologie demeurer à un niveau rhétorique symbolique, notamment dans les plans et rapports, et ne servir qu’à élargir le fossé entre les gens qui font les politiques et ceux qui les mettent en œuvre». (Robinson-Pant 2000: 158)

Références

Fiedrich, Marc et Jellema, Anne (2003): Literacy, Gender and Social Agency: Adventures in Empowerment. A research report for ActionAid UK. Londres: ActionAid.

Disponible à l’adresse suivante: www.dfid.gov.uk/r4d/PDF/Outputs/PolicyStrategy/paper53. pdf

Ministère de l’Éducation (2010). Plan national de développement socio-économique, secteurde l’Éducation 2011-2015. Vientiane: gouvernement du Laos.

Oxenham, John et al (2002). Skills and Literacy Training for Better Livelihoods: A Review of Approaches and Experiences. Washington: Banque mondiale.

Disponible sur: www.worldbank.org

Robinson-Pant, Anne (2000). Why eat green cucumbers at the time of dying? Women’s literacy and development in Nepal. Hambourg: Institut de l’UNESCO pour l’apprentissage tout au long de la vie.

Disponible sur: www.unesco.org/education/uie/pdf/robinson.pdf

Notes

1 Une foule d’évaluations Reflect, la plupart non publiées, réalisées au Laos, au Cambodge et dans d’autres pays dont il est question dans cet article, peuvent être téléchargées sur le Reflect Basecamp, une plate-forme en ligne consacrée aux échanges et discussions concernant Reflect. Pour davantage de renseignements, veuillez consulter www.reflect-action.org.

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